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288                  MADAME D'ORGEVAL

ne s'attendait point à la douce surprise d'un dernier
adieu ; elle rougit et pâlit tour à tour. Son fiancé plie
un genou devant elle et lui offre un médaillon renfer-
mant son portrait. La cérémonie de la veille permettait
à Marie de l'accepter. Voulant aussi laisser un souvenir
à son bien-aimé chevalier, elle saisit sur la table de la
duchesse les longs ciseaix avec lesquels elle taillait elle-
même les vêtements des pauvres, et coupant une tresse
de ses beaux cheveux, elle les dépose dans les mains
tremblantes d'Amédée.
   « Enfin, le dernier adieu est prononcé ; une vague
tristesse s'empare de la fiancée. Amédée de Lornay
baise la main de sa souveraine, lui recommande ce qu'il
a de plus cher au monde, comme si son absence devait
durer longtemps, et laisse tomber derrière lui la lourde
portière de velours qui le sépare des deux princesses.
   « Marie alors se plaça au balcon d'YolantJe. Le soleil se
couchait dans une mer de feu, et peu à peu, les premières
ombres descendirent des montagnes. Bientôt tout se cou-
vrit de ténèbres. Marie fit soudain un douloureux rap-
prochement entre elle et les objets qui l'entouraient.
Elle se mit à songer à cette loi inévitable «de la nature,
 que rien n'est ici bas stable et permanent; que souvent
le malheur touche à la plus grande prospérité, et une
 impression de profonde tristesse s'empara de son
àme. »
   C'est ainsi que Mme D'Orgeval sait unir aux péripéties
de ses récits, les leçons de la morale la plus pure et la
plus haute, c'est-à-dire la plus chrétienne.
   Marie avait raison de trembler; un affreux malheur la
 menaçait.
    Maurice de Lornay apprend les fiançailles de son
 frère, et, aveuglé par la jalousie, se meta sa poursuite.