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                     LE LAC DE PALADRU                   133

    — Un médecin qui a, il y a peu de temps, acquis cette
  chartreuse.
    — Personne ne l'a encore achetée; elle est toujours en
 vente, et le Salut Public l'offre même aujourd'hui aux
  acquéreurs.
    —'• Qu'il a eu raison ! et comme je le reconnais bien
 là pour un homme de goût. Il l'a Tue et s'est enfui. J'en
 eusse fait autant. Mais du moins, il aurait dû me préve-
 nir. Pas de docteur et pas de dîner, c'est indigne ! On
 n'invite pas ainsi les gens pour les assassiner. Mon con-
 ducteur meurt de soif, son cheval bat des flancs ; Turc
 n'en peut plus sous son collier de fer; j'ai un coup de
 soleil, et absence complète de ruines du xm° siècle ; rien
 des bâtiments élevés jadis, avec une certaine ampleur
 sans doute, par l'abbé Thierry, ce fils innocent d'une faute
du grand empereur Barberousse; le site lui-même ne parle
 ni aux yeux ni au cœur ; le lac est éloigné et c'est à
peine si on en distingue grand comme la main.
    Allons, c'était écrit. Voici une mystification pommée,
un désenchantement de premier ordre. Peut-on avoir un
si beau nom, s'appeler la Silve-Bénite et être chose si
vulgaire; c'est comme si on annonçait une Créqui ou une
Montmorency dans un salon et qu'on vît entrer une
laveuse de vaisselle. Etre trompé par un couvent ! je ne
puis m'en consoler, courons à Paladru. Un lac n'aura
pas cette perfidie ; les lacs sont honnêtes. On a bien un .
peu jasé sur celui-ci, mais la preuve qu'il vaut quelque
chose, c'est que tout le monde se le dispute. Demandez
aux tribunaux de Grenoble.
   Il a déjà enrichi quatre avocats, trois avoués, deux
huissiers et un notaire. Quand on annonce : « Le lac de
Paladru contre la Fure »! ou : « Charavine contre la
Coletière »! les juges pâlissent et se cramponnent à leurs