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120                       CAÃLHAVA
   Ces récits, qui nous révoltent aujourd'hui, étaient très
bien supportés par nos aïeux. L'Arioste et Boccace en sont
la preuve. La Fontaine lui-même, dont nous trouvons les
grivoiseries trop peu vêtues, était lu par les dames et les
grands seigneurs de Versailles, dont le langage et les
propos n'avaient pas la retenue et la réserve de la société
moderne ; et aujourd'hui môme, une conversation ita-
lienne ne choque-t-elle pas autant nos oreilles françaises
que certains propos, que nous trouvons des plus innocents,
scandalisent et révoltent les chastes oreilles de la pudi-
bonde Angleterre et de la vertueuse Amérique ?
   L'exemplaire de VEvangile des quenouilles que possédait
Cailhava, avait une histoire qu'il aimait à raconter et vrai-
ment cette histoire ne donnait pas peu de prix à l'ouvrage.
   Un jour, un bon curé de village, invité à dîner dans
un château du Beaujolais, aperçut, en visitant la biblio-
thèque avec son hôte et d'autres convives, un mince volu-
me très-ancien dont le titre presque illisible rappelait,
qu'au moyen âge, nos pères ne reculaient pas toujours
devant un conte léger ou une page décoletée. Le châtelain
prend le volume et l'offrant au vénérable pasteur : — Je
vous le donne, M. le curé, lui dit-il, à une condition, c'est
que vous ne le détruirez, ni ferez détruire,
   Le vieux prêtre rougit et, aux éclats de rire des convives,
mit le livre dans sa poche.
   — Je vous le promets, dit-il, je ne le détruirai ni ne le
ferai détruire, l'essentiel est que je ne le lise pas, ni ne le
fasse lire aux autres.
   — De ce côté-là, vous avez toute liberté.
   On s'amusa beaucoup de ce cadeau et le bon curé dut
toute la soirée, répondre aux plaisanteries qui lui furent
adressées.      /
   Cependant, le pauvre livre, quoique imprimé en carac-