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                          CAILHAVA                        421

tères gothiques, et par conséquent à l'abri de la plupart
des regards curieux, ne pouvait rester au presbytère.
Quelle mine eût-il faite entre saint Jérôme et saint Au-
gustin ? et quel scandale si, tôt ou tard, on l'eût trouvé
sur les humbles tablettes du curé ! Pourtant, le nouveau
propriétaire ne pouvait ni le détruire ni le faire détruire,
une idée lui vint.
  A son premier voyage à Lyon, M. le curé se présenta
chez M. Cailhava. Le connaissait-il ? nous l'ignorons . A
peine assis, M. le curé tira son livre de sa poche:
   — Je sais, dit-il, quel respect on doit aux trésors biblio-
graphiques. Vous avez, Monsieur, une bibliothèque pré-
cieuse ; voici un livre qu'on m'a donné avec certaines
clauses qui devaient me mettre dans l'embarras. Permet-
tez-moi de vous l'offrir . Entre vos mains, je suis sûr qu'il
ne sera pas détruit. Chez d'autres, ce serait une grivoise-
rie ; chez vous, ce sera une curiosité, une rareté, à côté
de tant d'autres qu'on admire, mais qu'on ne lit pas.
   Cailhava saisit le trésor.
   — M. le curé, jamais on ne m'a fait autant de plaisir,
s'écria-t-il, et je vous ferai voir quel prix j'y attache, par
le petit cadeau que je vous prie de vouloir bien accepter
à votre tour.
   Deux, jours après, monsieur le curé recevait par l'om-
nibus une collection des Pères de l'Eglise qui furent sa-
lués avec enthousiasme.
  — Jamais je n'ai fait meilleur marché,disait le bon curé.
   — Ma foi, j'ai eu de la chance, disait à part lui Cail-
hava. Voici un volume introuvable que j'ai payé ce que
j'ai voulu et encore ai-je fait un heureux.
   Ainsi les deux négociateurs étaient contents. L'un avait
montré de la prudence, tout en tenant sa parole; l'autre