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94 PHILIPPE-AUGUSTE GONIN « bien dire un de ces contes qu'elle savait par milliers, « contes fantastiques s'il en fut, et dont les diables, les « follets et les lutins étaient les héros de rigueur. A « mesure que le récit avançait, comme nous nous re- « joignions peureux ettremblants autour de la narratrice « que l'effroi gagnait aussi ; et lorsque le glas de la « péripétie allait sonner, sa voix le cadençait, le gros- « sissait pour y préparer son auditoire , frissonnant « de peur tout autant que nous, mais flère de l'effet pro- « duit. Souvent, encore aujourd'hui, je crois entendreles « contes sataniques de Claudine ou le récit da scènes « non moins infernales que me faisait mon aïeule. Je la « vois encore assise dans son large fauteuil, près de « l'à tre, tandis qu'agenouillé sur un tabouret à ses « pieds, la tête et les coudes appuyés sur ses genoux, « je l'écoutais avec avidité. « Tantôt c'était mon grand-père, porté sur la liste « fatale du tribunal révolutionnaire et se cachant dans « les bois ; tantôt c'étaient les mitraillades de Lyon où « elle avait des parents, des amis qu'elle vit marcher au « supplice, au milieu d'un grand nombre d'autres victi- » mes ; tantôt c'étaient de hideuses orgies dans l'en- « ceinte de l'église de notre petite ville, orgies écheve- « lées de faunes et de bacchantes. Tantôt c'étaient de « lugubres histoires dont la dramatique horreur me « frappait d'épouvante. Que de nuits il m'en sembla voir « les acteurs surgir, se tordre et râler auprès de mon « chevet ! » Pourtant, le plus souvent, le sombre, le dramatique, cédait le pas au piquant, au gracieux. M. Gonin composa plusieurs comédies destinées à être jouées en famille. Sa verve railleuse s'exerçait particulièrement aux dépens de