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CAILHAVA 53 blesses. Il réagissait à ses heures contre lui-même, et savait remplacer une journée de bruyants plaisirs et de papotage à vide par une journée d'étude et de labeur. Aux fous convives succédaient autour de lui les éradits et les penseurs; aux billets parfumés, les lettres d'affaires, les publications graves, les livres précieux, les éditions des maîtres, les incunables et les manuscrits enluminés. Ses têtes de lettres fantaisistes, comme si elles se fussent trompées d'adresse, allaient, au lendemain d'un gai dîner, trouver bouquinistes, ou relieurs, érudits ou ama- teurs ; à Paris : Techener, Délion, Dumoulin, Jannet, Ternaux-Compans, Chéron, Bauzonnet, Cape, Duru ; ou, à Lyon, Bruyère, l'admirable relieur, Rivoire, Suiffet ou Fontaine, les bouquinistes au flair délicat, etles bibliophiles de tous les pays, parmi lesquels nos savants compatriotes n'étaient pas oubliés. On le voyait parfois entrer, frais, jovial, coloré, dans les sanctuaires austères et sérieux où se réfugiaient les Coste, les Yéméniz, les Brolemann, les Chaponay, les Péricaud, les Monfalcon, remplissant, de sa haute taille et de sa puissante rotondité, les pièces trop exiguës ou les fauteuils trop étroits ; mettant indif- féremment le pied dans les camps ennemis ou rivaux, écoutant les épigrammes aiguës de quelques uns, les satires amères de quelques autres, et les gardant sage- ment pour lui ; opposant sa prudente réserve aux récri- minations ou ses manières de gentilhomme aux coups de boutoir cassants de certains esprits chagrins ; discutant d'ailleurs à perte de vue, et comme pas un, sur les presses ambulantes, les livres î sans date, le papier à la roue dentée, les mystères de Buyer et de Leroy, le& travaux de Treschel, le si fameux Compendium de Lothaire; les Spécu- lum et les Donats, les éditions à la tête de bœuf, les presses de Harlem plus anciennes que celles de Mayence ou sur les imprimeurs inconnus.