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SOUVENIRS ET MANUSCRITS DE TOHQUATO TASSO. 205 méditer beaucoup; elles ont où rassasier ce mélancolique penchant, qui n'est pas sans quelque secrète jouissance. Les ruines plaisent et attirent; elles ont un charme triste et doux qui tient peut-être à notre amour de la vie. En face de la des- truction, l'homme ressaisit plus fortement l'existence; il ne peut cependant se défendre d'un trouble involontaire au mi- lieu des ruines , quand il songe au terme inévitable , et c'est du mélange de ces deux idées que se forme le senti- ment sévère et curieux qu'il éprouve alors. Nous avons, comme tant d'autres, et après tant d'autres, sa- lué de notre admiration, vu de nos yeux, touché de nos mains quelquefois, un grand nombre des plus poétiques souvenirs de l'Italie; ainsi, nous avons visité le couvent où mourut Torqualo Tasso, la cellule où vécut Savonarola, la maison où Michel Ange rêva d'immortels chefs-d'œuvre, l'étroite cham- bre où Ignace de Loyola écrivit ses Constitutions, celle où saint Thomas-d'Aquin méditait sa profonde théologie. Un soir, après avoir passé le Tibre, nous nous acheminions vers les hauteurs du Janicule, sur lesquelles est assis le cou- vent de Sant' Onofrio, habités par desHiéronymiles. La mon- tée est rapide et étroite, mais on a de là -haut l'aspect de Rome tout entière, et l'air y est pur et saint, le calme profond. Cet infortuné chantre des Croisades eut bien raison de vouloir y mourir; lui, d'ailleurs, qui par toutes les villes allait abriter ses douleurs et sa maladive inquiétude dans les maisons des Religieux. Le monastère de Sant'Onofrio n'a rien de fort beau, mais c'est une charmante retraite, et l'un des plus délicieux endroits de Rome. Le petit cloître que l'on trouve en e n - trant est orné de différentes peintures, parmi lesquelles on voit l'histoire de saint Onuphre; ces peintures datent de l'an 1600. Onuphre fut un de ces nombreux anachorètes qui, aux premiers siècles, peuplèrent les solitudes et les rochers de la