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136                MADEMOISELLE DE MAGLAND.
 mes qui connaissent M l l e de Magland aspirent au bonheur de lui
 rendre la fortune que le sort lui a enlevée, mais tous aussi sentent
qu'après la double trahison dont elle a élé la victime, elle doit sin-
gulièrement mépriser les hommes... et même les femmes. — Elle
fait bien de quitter le pays, répondit Alix, ayant l'air de n'avoir
ni entendu ni compris , car son histoire a fait beaucoup jaser,
et la réputation d'une femme est quelque chose de si fragile qu'on
doit craindre tout ce qui peut la ternir: il est vrai que Marie tient
peu à tous ces préjugés, dit-elle en appuyant sur le mot. — Je m;
la croyais pas assez abandonnée de tout respect humain pour qu'elle
osa tenter ma patience à ce point ; tant d'audace me révolta, et, au
risque de me montrer brûlai, je voulus lui prouver que je ne pou-
vais plus être la dupe de ses semblants de vertu. — Vraiment, ma-
dame, ce que vous me faites l'honneur de me dire me rappelle que, à
une époque peu éloignéo de nous, je me suis permis des soupçons
dont tout aujourd'hui me prouve le peu de fondement, dis-je, en
promenant mon regard le plus insolent sur la rotondité de sa taille
qu'elle étalait avec toutes sortes d'orgueilleuses minauderies ; ce fut
le jour où j'ai trouvé ce précieux tissu , à vous appartenant,
dans la chambre de Raoul, le lendemain, de la soirée où il vous y
donna l'hospitalité... après l'orage... vous vous souvenez? En disant
ces mots, je tirai de ma poche le mouchoir imprégné de musc
qui m'avait révélé sa visite chez Raoul. — Une sourde exclamation
s'échappa de son gosier; elle resta un moment sans pouvoir parler,
frappée de stupeur ; elle avait cru jusqu'alors que toutes ses infâmes
fourberies étaient restées un impénétrable mystère. —Monsieur,
répliqua-t-elle enfin, pâle de fureur, Raoul saura cette insulte, je
porte son nom, et... — Parbleu! madame, répondis-je sans m'émou-
voir, Raoul peut bien être soigneux de votre honneur, il lui a coûté
assez cher! non seulement il l'a payé de son propre bonheur, mais
encore de celui d'une autre! Je suis, d'ailleurs, tout-à-fait à ses
ordres. —A ces mots, je la laissai stupéfaite, anéantie, et, prenant
congé de M me de la Rochemarqué, je quittai Hauterive probable-
ment pour toujours. J'ai passé deux jours à Rolle à attendre Raoul,
qui n'a pourtant pas été assez sot pour venir me demander raison
de mon impertinence, et je pars satisfait, heureux d'avoir humiliée,