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174                  DE LA FAUTE DE L'HOMME

l'avait tout simplement placé ù la tête de la série animale,
comme chef de la création. Son existence, il est vrai, eût reçu
plus d'extension que celle des animaux par le pouvoir que
l'intelligence eût acquis sur la nature ; mais, toujours selon la
donnée matérialiste, elle aurait eu pourfinla possession de ce
monde au lieu de la possession infinie de Dieu.
    La grâce qui déjà était un don surnaturel à l'homme avant
sa chute, alors qu'il possédait sa nature entière, l'est à plus
forte raison pour l'homme après sa chute, alors qu'il a perdu
une partie de sa nature. Et la grâce peut être doublement
appelée la grâce, et parce qu'elle a été ajoutée à la nature
pour la sanctifier, et parce qu'elle sera ajoutée à la nature
pour la réparer.

   Que, par suite des lois essentielles de l'être, la grâce, qui
nous confère la vie absolue, soit un don surnaturel non seu-
lement à l'homme, mais à toute créature possible, c'était là
le point de vue important de la question, lorsque l'on veut
embrasser la théorie complète des lois d'une création. Aussi
n'a—t—il point échappé aux profonds théologiens. Saint Tho-
mas, dont l'Eglise a accepté les explications, établit positive-
ment ce fait sur la raison logique qui découle de la loi onto-
logique que nous venons d'exposer.
   Toute pensée, dit-il, provenant d'une substance créée étant
incapable de la vision de l'essence incrée, puisque celte es-
sence dépasse d'une manière infinie la substance créée, aucun
homme, non plus qu'aucune autre créature possible, ne peut
donc obtenir, par ses propres moyens naturels, la félicité éter-
nelle, puisqu'elle consiste dans cette vision. De là, aucune na-
ture créée ne peut avoir en elle le principe du mérite de la
vie éternelle, à moins qu'il lui soit ajouté par ce don surna-
turel qu'on appelle la Grâce (1).
  ( i ) Somme de S. Tlioma», quœst. 114, art. a ; pars, secund. quœst. 5,