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226                MADEMOISELLE DE MAGLAND.

 pide d'un ciel d'Italie se détachent les voiles blanches des bateaux
 pêcheurs qui, semblables à des mouettes regagnant leur nid, effleu-
 rent à peine cette mer si bleue, si transparente, qui étale orgueil-
 leusement ses fonds diaprés, où ses beaux coquillages dorment sur
 un lit d'algues. De légères vagues venaient sur la plage embaumée
 mêler leurs murmures au chant des oiseaux ; toute la nature sem-
 blait se réveiller sous les chauds reflets d'or et de pourpre qui ac-
 compaguent les pompes du splendide lever d'un soleil méridional.
    Arrêté à chaque détour de la route par les beautés imprévues de
 ce site pittoresque, l'artiste voyageur remplissait son portefeuille
 de croquis, de traits, de pochades, tout y passait : tantôt c'était le
 pâtre conduisant ses chèvres sur l'arrête des collines, et se décou-
 pant en silhouette sur l'azur foncé du ciel ; tantôt la bastide en-
 fouie dans les rochers couverts de sapins. La journée était assez
avancée quand il arriva à Toulon; après un léger repas pris à la
hâte, et quelques informations recueillies sur la route à tenir pour
se rendre au château de Malvignane, il sortit de la ville par la
 route d'Italie, la suivit jusqu'à celle du cap Brun, en laissant le
grand chemin, il se jeta à droite dans les sentiers verts et fleuris
qui se dirigent vers la mer; il marchait depuis longtemps, le vent
s'élevait, le ciel se couvrait de nuages, il commençait à craindre de
ne pas arriver à Malvignane avant l'orage qui s'avançait à grand pas,
lorsque, pardessus la haie qui bordait le sentier, il avisa un paysan,
la tête couverte d'un vaste chapeau de paille, la tayolo serrée au-
tour des reins, qui avait suspendu son travail pour interroger le
temps. — Brave homme, dit le voyageur en étant sa casquette,
suis-je sur la route de Malvignane?— Camina, camina toudjours,
a pas paour que la terro manquo. —C'est que le temps se gâte et
que j'ai peur de ne pas arriver avant l'orage. — La chavanne ven
d'eïla ; dintre mîechhaoure plooura eissi ; et vous faou mai
d'oounè haoure per arriba à la Malvignane, répondit le paysan,
en souriant de cet air sournois et fin, particulier au paysan pro-
vençal, et il tourna le dos en sifflant, enchanté de s'être truffa daou
Franciot.
   Le voyageur hà(a le pas et atteignit un petit bois de pins qui
s'étendait sur lo revers méridional de la colline ; les aboiements