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ET LE PETIT BLANCHARD. 211 et l'anxiété générale ne permirent pas aux spectateurs admis clans l'amphithéâtre d'accorder beaucoup d'attention aux en- gagements de médiocre valeur, prélude ordinaire des grandes parties ; à peine si la foule s'aperçut de la méprise du direc- teur qui, cédant à son émotion et voulant annoncer Monsieur Turc, dit le Crâne, se troubla au point de nommer Monsieur l'Ours, dit l'Animau ; désignation terrible qui, dans des cir- constances ordinaires, aurait excité la sensation la plus pro- fonde. Enfin, Meissonnier parut dans l'enceinte, beau comme le Sparlacus de Foyatier, Et magnos membrorum artus, magna ossa lacertosquc Exuit, atque ingens média constilit arma. VlRG. Contre lui s'avançait Blanchard, frêle et svelte comme David devant Goliath. Après quelques feintes habiles, les combattants s'attaquè- rent avec une énergie surhumaine, et l'angoisse des assis- tants devint inexprimable quand ils virent Blanchard plier comme l'osier, sous les horribles embrassements de son ad- versaire. Des secousses à briser un chêne compromettaient son équilibre, et souvent on dut craindre de voir sa tête, cé- dant à une traction effroyable, se détacher de ses épaules dans les serres de Meissonnier. Toujours ses nerfs d'acier, sa merveilleuse haleine le relevaient debout et menaçant. Al non tardalus casu neque terrilus héros, Acrior ad pugnam redit et vint suscitât ira. VIRG. La lutte fut longue et savante, son résultat incertain jus- qu'à la dernière péripétie. A la fin, alors que Blanchard, à demi-terrassô, semblait perdu sans ressource, alors que son robuste ennemi l'écrasait de sa masse, immani pondère, alors 1G