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242                    L'ARÈNE LYONNAISE

on vit lout-à-coup Meissonnier, la tête vigoureusement ra-
 menée vers la terre, battre J'air un instant de ses jambes dé-
sespérées , et tomber de toute sa hauteur sur le sol ébranlé
de sa chute.
   Lyon n'avait plus de rivale !
   Après un pareil triomphe, Blanchard ne pouvait plus gran-
dir. Proclamé le premier athlète du monde, idole de la foule
enthousiaste, les luttes qu'il eut désormais à soutenir ne
furent plus que d'agréables exercices, que des gammes bril-
lantes destinées à faire valoir la beauté de ses moyens et la
sûreté de sa méthode. Longtemps la faveur populaire lui de-
meura fidèle ; mais, comme cet Athénien que fatiguait le sur-
nom d'Aristide, le .public inconstant se lassa des perpétuelles
et infaillibles victoires de son illustre champion. Il en vint a
de basses tracasseries ; dans les coups douteux, sa décision
devint injuste et partiale, et bientôt cet homme à qui la Grèce
eût élevé des statues, cet homme dont elle eût fait un demi-
dieu à côté d'Hercule et de Pollux, cet homme à qui Lyon
devait sa plus belle gloire et la plus enviée, abreuvé de dé-
goûts sans nombre et blessé dans sa noble fierté, a dû s'exi-
ler de sa ville natale, en s'écriant comme Scipion :
            Ossa non habebis, ingrata patria !

   Dès à présent, la lutte n'est plus possible à Lyon, déjà
tous les talents secondaires, dont Blanchard était le chef, et
qu'il soutenait de son exemple et de sa renommée, se sont
dispersés comme les généraux d'Alexandre. Elle est mainte-
nant fermée pour toujours celle arène, rendez-vous plein
d'élégance et de laisser-aller où se pressait l'élite de nos
concitoyens. Plus, pour nous,, de ces dramatiques solennités
où nous puisions nos émotions les plus douces ! Les peintres
y venaient étudier le nu et le jeu des muscles, éternel écueil
de. leur art, toutes les intelligences généreuses au milieu du