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   Lefêvre travaillait donc; son petit enfant Jacques l'ai-
dait, courant de l'atelier au grenier de sa mère, et du
grenier de sa mère à l'atelier; renfonçant de temps en
temps en chemin plus d'une grosse larme que lui ar-
rachaient et le souvenir de sa sœur morte, et sa mère à
l'agonie^, et son père dans le délire de la douleur.
    Déjà des groupes se formaient dans les ruelles sombres
de Lyon ; on pouvait lire en traits profonds sur tous ces
visages hagards : misère, misère ! De nombreux piquets de
troupes parcouraient les rues. Serizan avait Lien souffert
en ce temps-là : car il avait fait son devoir. Déjà donc
la ville de l'industrie, de laborieuse et calme, était deve-
 nue agitée et fiévreuse, était devenue la ville de l'émeute.
 C'est qu'elle était terrible l'émeute; ce n'était plus celle
 de Paris, qui a été si bien peinte par Barbier,

        Qui le long des grands quais où son flot se déroule,
        Hurle en batlanl les murs comme une femme soûle.

Non , à Lyon, en Novembre, c'était l'émeute enrégimen-
tée , l'émeute alignée, rangée en bataille, avec chefs,
drapeaux et mot d'ordre; et quel chef? l'inflexible déses-
poir; et quel drapeau? un morceau de pain noir au bout
d'une bayonnette; et quel mot d'ordre? vivre en travail-
lant ou mourir en combattant.. A l'aspect de ces bandes
qui passaient avec un calme effrayant, plus d'une femme
pressa son fils contre son sein ; plus d'un volet se ferma ;
plus d'une poitrine palpita de crainte; c'est qu'il n'y avait
pas d'issue dans cette route qu'on allait prendre; il n'y
en avait que deux : l'anarchie ou la mort. L'heure de la
vérité n'était pas sonnée; si peu d'oreilles peuvent l'en-'
tendre.
   Au bruit des pas nombreux qui retentissaient dans la rue,