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Lefêvre se mit à la fenêtre 5 à la vue de l'horrible drapeau,
il tressaillit et referma promptement sa croisée; il alluma
sa lampe, car la nuit commençait ; et il fit marcher son
métier avec plus de courage que jamais, en se disant : il
en est de plus malheureux que moi, puisqu'il en est qui
ne trouvent pas même de travail.
   Mais on vint le soir lui défendre de travailler. Une me-
sure , prise dans un conseil tenu par les ouvriers , ordon-
nait la suspension générale de tous les travaux.
   La nuit se passa pour Lyon, pauvres et riches, dans la
veille et dans des songes pleins d'inquiétude sur l'avenir.
   Au point du jour, le petit Jacques vint trouver son
père 5 accablé de fatigue, le vieux canut avait croisé les
bras sur son métier et s'était endormi; sa lampe était
presque éteinte; l'enfant le regarda, immobile, sans oser
le réveiller.
   Une bouffée de vent froid qui vint à passer par un
carreau brisé, fit tressaillir l'ouvrier. Père, murmura tout
bas Jacques, père ; et sa voix tremblait ; le canut releva
la tête : Qu'y a-t-il de nouveau , Jacques? — Oh! père ,
père, maman est morte; et le petit malheureux éclata en
sanglots, et les deux mains du vieillard pressèrent la tête
de l'enfant contre sa poitrine nue ; c'était son dernier
bien.
    Ce groupe était effrayant à voir, effrayant d'immobi-
lité et de stupeur. Enfin, après un long silence éloquent
et terrible, Lefêvre se leva avec résolution; et qui l'eût
vu déchirer ainsi tout-à-coup sa magnifique pièce de soie,
saisir un mauvais sabre pendu au mur, et d i r e , en em-
brassant son fils : Le sort en est jeté ! celui-là eût pu seul
comprendre ce qu'il y avait de changé dans le cœur de
cet homme; l'innocent devenait criminel, l'individu courbé