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415 LYON. — CHRONIQUE DU MOIS DE MAI. Notre crise commerciale dure'eucorc. La charité publique a subvenu à bien des misères, à bien des besoins, besoins, bêlas! sans cesse renaissants. De tous côtés , à Paris comme dans les provinces, on s'est ému du sort dé notre classe ouvrière. Partout on a fait des quêtes et des souscriptions ». et chaque jour apporte une nouvelle preuve de l'intérêt qu'oit prend à la posi- tion de nos travailleurs sans travail. Ou a dansé , chanté , joué à leur béné- fice ; ou s'est amusé au profit de leur douleur ; on a attaqué notre égoïsme sur tous les points à la fois ; on a exploité nos plaisirs dans l'intérêt du mal- heur. Nous possédons une exposition de tableaux ; on a organisé des con- certs ; on forme un bazar; on prépare une grande fête au Jardin des Plantes: tout cela est bien , et nous rendons hommage au zèle et à la philantropie des commissaires chargés de stimuler par tous les moyens la charité qui s'épuise du la paresse des donataires en retard. Mais le résultat de toutes ces fêtes, de toutes ces souscriptions, alimentera à peine pendant quelques jours quelques milliers de familles; de pareils secours ne seront jamais que d'impuissants palliatifs au malaise social qui nous tourmente. Pourquoi, à l'aide de ces sommes, n'aurait on pas entrepris des travaux dans l'intérêt de la cité, intéressé des capitalistes à de vastes exploitations, comme les chemins de fer? Pourquoi n'aurail-on pas occupé tous les bras et donné une salutaire activité à tout ce corps malade de tant de privations et de repos? Pourquoi n'imiterions-nous pas l'exemple que Rome nous a laissé? Quand elle n'avait pas la guerre avec ses voisins, elle employait ses soldats à faire des grandes routes, à creuser des canaux, à élever dés acqueducs. Le travail, comme un bon terrain, multiplie ce qu'on lui confie; l'aumône^ au contraire, absorbe et ne produit rien : c'est le tonneau de la fable ; plus on le remplit, plus il perd. D'ailleurs l'oisiveté démoralise l'homme; la cha- rité, pour qui peut utiliser ses forces, sera toujours une aumône, et l'aumône dégradé. Nous n'avons pas seulement ici des forts à construire: nos digues, nos routes sont d'une bien plus grave urgence ; elles réclament de nombreux travailleurs. Si la fabrique de Lyon ne peut plus nourrir ses enfants, le pou- voir doit s'occuper d'eUx et donner à tant de bras une autre direction. Le mal qui se fait à présent sentir, surtout dans les extrémités sociales , n'épargnera pas les sommités de notre commerce ; des faillites assez consi- dérables, conséquences forcées de l'état de choses où nous sommes, ont déjà eu lieu, et peuvent en entraîner bien d'autres encore. En attendant, on se berce d'espérance, on vit au jour le jour, et l'on parle déjà de ses appréhensions pour l'hiver prochain.