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  qui attend l'ennemi avec une fermeté mêlée de douleur ;
 chez Serizan le devoir l'emportait sur le sentiment, l'in-
 telligence sur l'ame ; car le dernier lambeau de l'ordre,
 il ne le voyait flotter qu'à la hampe du drapeau de l'ar-
 mée, et il était de ce petit nombre d'hommes à qui il est
 donné d'avoir conscience de l'avenir, et qui, malgré tou-
 tes les exigences et les misères du présent, savent sacrifier
leurs sympathies sur l'autel d'une déesse inexorable, la
nécessité. Aussi souffrait-il; et quand il entendait autour
de lui ces railleries à double sens, ces sarcasmes honteux
et lâches qui lancent leurs flèches en fuyant, il continuait
lentement son chemin à travers toutes ces ronces et ces
épines, en se disant : Il est différentes espèces de mar-
tyrs. Le martyr du travail, c'est l'ouvrier ; le martyr de
la liberté, c'est le révolté qui meurt au coin d'une rue ,
sur une barricade; le martyr de la charité, c'est là-haut,
derrière cette fenêtre grillée, cette jeune sœur d'hôpital;
le martyr des rois et le martyr des peuples; mais dans
tous ces dévouements , pas un qui n'ait sa récompense
dés ici-bas, les larmes de ceux à qui l'on se dévoue ;
moi, je suis martyr de l'ordre; et là, dans cette abnéga-
tion sainte de toute gloire, on ne recueille que l'ingrati-
tude et la haine. Martyr de la révolte, on est presque dieu;
c'est le Christ qu'on adore dans les Catacombes ; martyr
de la servitude, on est moins que le lépreux ou le paria;
puissants et pauvres, tous vous repoussent; on vous mon-
tre au doigt; conspué, méprisé, on souffre, on souffre
horriblement, car on n'est pas compris, car l'uniforme
efface t o u t , la discipline vous ferme la bouche, le de-
voir vous dit : tais-toi; et l'on se tait; une autre voix,
l'honneur, vous crie de combattre et de mourir; et le
martyr de la servitude combat, et il meurt oublié même