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à l'esprit humain , dans toute sa naïveté ! la Religion, la
Science, double besoin immortel ! A peine l'une est-elle
satisfaite dans un esprit puissant, et se croit-elle sûre de
son objet et apaisée, que voilà l'autre qui se relève et
qui demande pâture à son tour. Et si l'on n'y prend garde,
c'est celle qui se croyait sûre qui va être ébranlée ou dé-
vorée.
   M. Ampère l'éprouva : en moins de deux ou trois
années, il se trouva lancé bien loin de l'ordre d'idées où
il croyait s'être réfugié pour toujours. L'idéologie alors
était au plus haut point de faveur et d'éclat dans le monde
savant : la persécution même l'avait rehaussée. La société
d'Auteuil florissait encore. L'Institut o ù , après l u i , les
Académies étrangères proposaient de graves sujets d'a-
nalyse intellectuelle aux élèves, aux émules , s'il s'en trou-
vait , des Cabanis et des Tracy. M. Ampère put aisément
être présenté aux principaux de ce monde philosophique
par son compatriote et ami, M. De Gérando. Mais celui
qui eut dès-lors le plus de rapports avec lui et le plus
d'action sur sa pensée, fut M. Maine de Biran , lequel,
déjà connu par son mémoire de l'Habitude, travaillait à
se détacher avec originalité du point de vue de ses p r e -
miers maîtres.
   Se savoir soi-même, pour une ame avide de savoir ,
c'est le plus attrayant des abîmes. M. Ampère n'y résista
pas. Dès floréal an XIII ( i 8 o 5 ) , un ami bien fidèle, M.
Ballanche, lui adressait de Lyon ces avertissements, où
se peignent les craintes de l'amitié redoublées par une
imagination tendre :

   «... Ce que vous me dites au sujet de* vos succès en métaphysique me d ^
sole. Je vois avec peine qu'à trente ans vous entriez dans une nouvelle car-