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 mère, qui allaitait sa petite soeur, était tombée malade;
l'enfant mourut de misère, et la mère languit sur son
grabat. Le père de Jacques, malheureux canut, dont le
travail pouvait à peine suffire à la nourrir, pâlissait sui* son
métier jour et nuit, pour pouvoir prolonger de quelques
instants l'agonie de sa Compagne. Combien de fois, le fiche
négociant du quartier avait-il maudit cette rude machine
à la Jacquard qui, fonctionnant dans le silence des nuits,
venait troubler son paisible sommeil. C'était Lefêvre s'agi-
tant sans relâche à la peine ; quand sa lampe pâlissait, il
pâlissait ; quand une fibre de soie se brisait, sa poitrine se
brisait; son corps affaibli et Courbé semblait s'être moulé Sut'
les aspérités anguleuses de son métier; c'était une charpente
à la Jacquard pleine de vie, que ces reins larges, ces longs
bras et ces petites jambes de Lefêvre. Eh! combien n'en trou-
ve-t-on pas à Lyon de ces existences qui s'écoulent obscures
dans une case, fabriquant des tissus dont chaque filament
coûte à leur front un ruisseau de sueur ? combien n'en voit-
on pas, pendant les longues nuits d'hiver, de ces lampes bla-
fardes qui veillent tremblottantes aux longues fenêtres du
travail ; passez dans la moindre rue, sur les deux ou trois
heures du matin; et vous serez étonné d'entendre à quel-
que cinquième étage les sons enroués d'un métier de canut,
qui, se confondant avec le râle de ses entrailles, arrivent
jusqu'à vous à travers l'épaisse brume comme un long
soupir d'angoisse et de misère; cependant on a encore
trouvé jadis le moyen de ridiculiser cela; on a fait même,
m'a-t-on dit, un vaudeville; et sur quoi n'en fait-on pas ?
où l'on raillait le travail, en appelant le canut biss-tan-
clak, par imitation du bruit que fait un métier en mar-
chant. Jjfùaud un siècle arrive à rire ainsi, ce n'est plus
que le rire de la fièvre ou de la folie.