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418 était l à , couché, demi-nu, le front appuyé sur la pierre, cet oreiller du pauvre qui a faim, les genoux serrés contre sa poitrine et les mains serrées entre ses genoux, seul moyen que le mendiant ait de se réchauffer, pendant que les larges fenêtres des salons du riche s'ouvrent pour laisser un libre passage à l'excessive chaleur du bal. Serizan sortait d'une de ces soirées intimes, d'une de ces réunions de famille, où l'étiquette et le luxe du grand monde font place à la douce franchise, à la bonne liberté du cœur. Jeune homme à l'ame aussi ardente que l'imagi- nation, notre capitaine ne regardait les moindres incidents de la vie qu'à travers un prisme de poésie; les faits se dé- pouillaient devant lui de leurs formes, ne laissant voir que leurs principes; les apparences tombaient, et il ne restait que les idées. Ses camarades, ne le comprenant pas, l'appelaient le fou , et comme sa nature était excen- trique à la leur, dans ses moindres contacts avec eux, il y avait choc; et force était à Serizan de se retirer. Ces dégoûts et ces tracasseries avaient beaucoup con- tribué à augmenter la mélancolie naturelle de son carac- tère ; à l'exception d'une ou deux familles auxquelles des lettres particulières le recommandaient, dans la plupart de ses garnisons, il ne voyait personne; en un mot, en- tièrement séquestré dans sa chambre, il vivait retiré du monde. Quelques livres, des poètes surtout, un ou deux historiens de prédilection, quelque peu de musique, étaient ordinairement ses seules récréations. Ame géné- reuse et forte, une passion surtout avait beaucoup con- tribué à lui faire de nombreux adversaires; passion noble, s'il en fut jamais, et que Ton écrasait impitoyablement sous le sarcasme et l'ironie : c'était un amour ardent pour l'humanité, q u i , lorsqu'il était contrarié, allait quelque-