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armes, procura d'abord la tranquillité, mais ne fit pas naître l'abondance.
Les soldats, malades ou blessés, retournant des frontières du royaume, rem-
plissaient l'hôpital ; les habitants de la campagne dont les maisons avaient
été brûlées et les champs saccagés, venaient par troupe implorer la charité
de nos concitoyens, assez empêchés de fournir à leurs propres besoins,
quand la piété inspira aux directeurs de nos hôpitaux l'invention des loteries.
   Ce dessein fut proposé à nos seigneurs les gouverneurs et aux principaux
magistrats, qui l'approuvèrent en des occasions si pressantes. Le motif de
semblables loteries faites en faveur des pauvres, leur parut un acte de piété
où il n'y avait rien de contraire à la justice , ni qui contraignit les particu-
liers à des contributions forcées, que l'on a le droit d'exiger dans les calami-
tés publiques pour le secours de ceux qui sont réduits à la dernière néces-
sité, puisqu'en ces conjonctures tout homme est obligé d'aider ses frères,
sous peine d'offenser Dieu grièvement par un défaut de charité, laquelle n'est
plus seulement de simple conseil, mais devient unprécepteeri pareille nécessité.
   Ces loteries en faveur des pauvres n'ont point d'autres motifs que la cha-
rité, et le désir de soulager dans les nécessités pressantes ceux â qui l'on ne
peut fournir leurs besoins par des moyens ordinaires ; principalement en des
temps où la charité est non-seulemenl refroidie, mais encore très-difficile à
exercer par ceux qui sont les mieux intentionnés pour y trouver des res-
sources ; ces sortes de loteries non-seulement sont innocentes, mais j'ose
avancer qu'on les doit considérer comme des inventions de charité, qui
 n'ont rien que de louable en ceux qui les entreprennent. La première lote-
rie faite en favenr des malheureux est celle qui se fil à Amsterdam pour la
Diaconie Wallone, composée pour la plus grande partie de Français réfu-
giés (1). ..
   Ce fut un Lyonnais qui eu fit la première proposition, le sieur Tronchin
du Brueil, et celui qui fut chargé d'en dresser le plan , un autre Lyonnais
expatrié, le sieur Jean Tourton, marchand et banquier. Ainsi il est vrai de
dire que non-seulement la ville de Lyon a servi de modèle aux autres villes
du royaume pour ces loteries en faveur des malheureux ; mais que ce sont
deux Lyonnais exilés qui en ont été les premiers inventeurs en Hollande, en
f69§. Voici l'ordre qu'on a tenu aux loteries de Lyon , principalement en la
dernière de la Charité, que l'on peut proposer pour modèle de celles qui se
peuvent faire licitement, puisqu'on ne saurait y apporter plus d'exactitude
et de Fidélité. Après qu'il eut été résolu par les administrateurs dans leurs


   ( i ) A la suite de la déplorable révocation de ledit de Nantes par Louis XIV, cinquante mille
familles protestantes furent obligées de s'expatrier.