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    « Mon pauvre père surtout, dit-il, ne pouvait revenir de
 son étonnement, et chaque fois qu'en l'abordant, mon
 épée au côté et mon cbapeau à plumes sous le bras, je lui
tirais ma révérence avec l'air d'importance d'un marquis,
il restait comme stupéfait, craignant de me sourire, et ne
voulant ou n'osant pas me gronder, tant la magnificence
de mon accoutrement l'éblouissait et lui imposait. »
    Son père résolut de lui faire finir ses études médicales
à Paris. Portai, Dussault y furent ses professeurs. Les le-
çons éloquentes de Fourcroy lui inspirèrent le goût de la
chimie. A cette époque, les chimistes et les médecins se
faisaient une guerre à outrance ; M. Raymond cite , à pro-
pos de ces discussions , une anecdote singulière :
   Rouelle, professeur de chimie distingué et ennemi dé-
claré de la médecine, fut contraint cependant d'y avoir
recours dans une grave maladie que fit son frère bien-
aimé, le jeune Rouelle, qui fut rendu à la vie par les soins
de M. Bordeu, célèbre médecin. Un si grand service ne
put réconcilier Rouelle l'aîné avec une science dont il fai-
sait peu de cas, et qu'il regardait comme plus dange-
reuse qu'utile. Un jour, à sa leçon de chimie, après s'être
graduellement échauffé, en déclamant, comme à son or-
dinaire , contre les médecins, il termina la péroraison de
sa violente diatribe , en saississant son frère à bras le
corps, il le posa avec véhémence sur la table de démons-
tration, et le montrant à son auditoire ébahi, il s'écria
avec l'accent de la douleur, comme si ce frère fût véri-
tablement mort : « En voulez-vous la preuve , que Bor-
deu n'est qu'un àne ? il a tué mon frère que voilà. »
    Après avoir terminé ses cours , M. Raymond re-
tourna dans sa petite ville. Quelques contrariétés le dé-
goûtèrent de l'exercice de la médecine; il se voua tout