Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                    358
rière. On ne va pas loin quand on change tous les jours de roule. Songez
bien qu'il n'y a que de très grands succès qui puissent justifier votre abandon
des mathématiques;, 014 ceux que vous avez déjà eus présagent ceux que vous
devez attendre. Mais je sais que vous ne pouvez mettre de frein à votre cer-
veau.
   « Cette idéologie ne fera-t-elle point quelque tort à vos sentiments reli-
gieux? Prenez bien garde, mon cher et très cher ami, vous êtes sur la
pointe d'un précipice: pour peu que la tête vous tourne , je ne sais pas ce
qui va arriver. Je ne puis m'empéclier d'être inquiet. Votre imagination est
une bien cruelle puissance qui vous subjugue et vous tyrannise. Quelle diffé-
rence il y a entre nous et Noël! J'ai retrouvé ici les jeunes gens qui appar-
tiennent comme moi à la société que vous savez. Combien ils sont heureux !
 Combien je désirerais leur ressembler !

  Mais une autre lettre un peu postérieure (mars 1806),
achève de nous révéler Fintériëur de ces nobles âmes trou-
blées et de les éclairer du dedans par un rayon trop di-
rect, trop prolongé et trop admirable de nuance, pour
que nous le dérobions. Nulle part l'auteur à'Orphée n'a
été plus élégiaque et plus harmonieux, en même temps
que la réalité s'y ajoute et que la souffrance y est présente:
    « J'ai reçu, mon cher ami, votre énorme lettre ; elle m'a horriblement
fatigué. Le pis de cela, c'est que je n'ai absolument rien à vous dire, au-
cun conseil à vous donner. Nous sommes deux misérables créatures à qui
les inconséquences ne coûtent rien. Un brasier est dans votre cœur, le
néant s'est logé dans le mien. Vous tenez beaucoup trop à (a vie, et j'y
tiens trop peu. Vous êtes trop passionné, et j'ai trop d'indifférence. Mon
pauvre ami, nous sommes tous les deux bien à plaindre. Vous avez été
ces jours-ci l'objet de toutes mes pensées, et voilà ce que je crois à votre
sujet. Il faul que vous quittiez Paris, que vous renonciez aux projets que
vous aviez formés en y allant, parce que vous ne pourrez jamais trouver ,
je ne dis pas le bonheur, mais au moins le repos, dans cette solitude de
 tout ce qui tient à vos affections. L'air natal vous vaudra encore mieux , il
sera peut-être un baume pour votre mal. Camille Jordan part pour Paris.
Il a le projet de former à Lyon un Salon des arts, qui serait organisé à peu
 près comme les Athénées de Paris. Il y aurait différents cours. Camille m'a
consulté sur les professeurs dont on pourrait faire choix. Je lui ai parlé