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316 Donne-moi ton bâton pour jouer, qu'en fais-tu ? Ton corps le fait plier, il ne te soutient guère. LE VIEILLARD. Hélas! qui le croirait! comme toi, mon enfant, Je fus vigoureux , fort ; comme toi jeune et leste, Et je courais alors: je me traîne à présent.... Laisse-moi ce bâton , seul appui qui me reste. L'ENFANT, A tes côtés, vieillard , pourquoi mener ce chien ? Maigre, et l'oreille basse, à voir il me fait peine ; Veux-tu me le donner? je le nourrirai bien ; Il souffre de la faim... Vois-tu comme il se traîne?... LE VIEILLARD. Dans ma vieillesse, enfant, j'eus de nombreux amis; Mais hélas! le malheur, à l'amitié funeste , La misère , les ans me les ont tous ravis ; Oh ! laisse-moi mon chien, seul appui qui me reste. L'ENFANT. Pourquoi ce chapelet que tu tiens en tremblant? Effrayé du démon , veux-tu le mettre en fuite ? Ami, donne-le moi, vois-tu , j'ai bien souvent Peur du malin esprit, et je crains sa poursuite. LE VIEILLARD. Lorsque je souffre trop, je baise cette croix, Et je supporte mieux des jours queje déteste. Misérable aujourd'hui, je fus riche autrefois.... Laisse mon chapelet, seul trésor qui me reste. L'ENFANT. Ah ! je n'en voudrais plus, pardon , j'ai pu penser Qu'on avait, à ton âge , fait assez de prières.... Vieillard, chez mes parents , viens donc te délasser , Sous leur toit les douleurs ne sont pas étrangères. LE VIEILLARD. Jouis de ton bonheur, moi de ma liberté ; Je cherche, aux soirs d'hiver, le toit le plus modeste , Mais je dors étendu , les belles nuits d'été, Sous la voûte des cicux, seul abri qui me reste.