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 pour Antony. Comme lui, il porta toujours un stylet dans
sa poche, qu'il eût aussi par imitation remplie de pièces d'or,
 si ce n'eût été le père, qui ne lui donnait que des gros sous.
    Enfin il soupirait après une existence fiévreuse, entrecoupée
d'enlèvements, de meurtres, de déclamations philantropi-
ques, et pour cela il cherchait une femme, une femme au
teint pâle, au tempérament maladif, aux yeux noirs, à la
chevelure ondoyante.
    Son père, lui, ne voyait que ses écheveaux de fil. A An-
tony, il préférait une tragédie de Yoltaire , el il traitait son
fils de vaurien et de fainéant.
    Un jour, il y eut une scène entre Borromée et son père,
scène violente , où , d'injure en injure , Borromée alla jus-
qu'à traiter de perruque l'honnête marchand de fil. Celui-ci
riposta par un coup de pied, et mit Borromée à la porte.
   Voilà comment Borromée se trouva sur le pavé. Ne sachant
que devenir, il se rendit à la Rotonde de Perrache. —Par-
bleu! dit-il, je verrai les saints-simoniens.—'Ils répétaient
 des chants religieux.
   Barrot s'approcha de Borromée : Que cherches-tu? lui dit-il.
    Une femme! répondit celui-ci.
    Nous aussi, nous cherchons la femme ! s'écria Barrot.
   As-tu vu jouer Antony? lui demanda Borromée. Barrot fit un
 signe négatif.
   Tu n'as pas vu jouer Antony, et tu cherches une femme !
quelque bourgeoise, aimant son mari et débarbouillant ses
enfants ! Moi, j'ai rêvé une femme prédestinée au malheur,
 que la fatalité a marqué de son sceau , dont l'existence com-
 mence par l'adultère et finit par le suicide.
    Cet homme m'a l'air d'un néophite , se dit BarroL, et il lui
 parla en ces termes : La femme que nous cherchons est ef-
fectivement bien différente. La tienne est la femme esclave,
 la femme de la société actuelle , de cette société cynique, où
 tout est contradiction , tyrannie, douleur...
    Hélas! interrompit Borromée, la douleur, c'est la vie, et