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que les groupes les plus gais des tableaux. Mais si vous êtes
poète , si vous aimez à vous abandonner à vos impressions ,
à sentir pour vous et en vous ce sublime égoïsme de la rê-
verie grandir et vous couver sous ses aîles, allez au Louvre un
jour de faveur, avant ou après les grandes dames et les dandys ;
allez y seul ; arrêtez-vous devant les toiles qui vous attirent,
sans vous soucier du nom de l'artiste , et quand,vous aurez
jugé l'œuvre , que vous kt connaîtrez en entier , qu'elle sera
devenue la propriété dé votre intelligence, alors recourez au
livret, cette providence de l'amateur, et posez votre juge-
ment sur l'auteur après l'avoir posé sur l'œuvre. Examinez
ses antécédents , ses degrés en peintures, sa route, son école,
sa tendance ; vous aurez fait un travail profitable , en dehors
de toute influence et de toute préoccupation.
Voilà comme j'ai procédé pour le salon de 1836 ; et je viens
vous rendre compte de mes résultats et de mes observations
sur les peintres lyonnais ; j'aime leur talent, et je m'associe Ã
leur gloire ; car ils luttent dans l'isolement de cette ville
boueuse et marchande , contre l'oubli de l'art et l'indifférence
générale. Ils n'ont, pour les soutenir, que leur conscience et
l'ardent amour de la peinture et de la poésie ; cette vie in-
telligente , qui bouillonne en eux continuellement , gênée par
l'apathie négociante de leur nourrice, a besoin d'encoura-
gements et d'éloges. Ce sont des martyrs qu'il faut savoir ho-
norer , tout en les admirant et les plaignant du fond de no-
tre cœur.
Parmi les peintres qui figurent avec honneur au salon,
nous parlerons de MM. Flandrin , Biard, Guindrant, Du-
buisson, Jacquand.
M. Flandrin a envoyé de Rome deux beaux tableaux, une
Etude de Pâtre et Dante visitant les enfers. Ces deux toiles
nous ont rappelé la manière sévère et le contour arrêté de
M. Ingres; elles ont complété pour nous, comme pour le
public, cette tendance nettement prononcée à adopter la for-
me et l'école de ce grand maître. Jusqu'ici la peinture était