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amis de ma j e u n e s s e , je songeais à mon passé et je le sentais
s'écrouler entièrement. Pour consolation pouvais-je envisager
mon avenir? nulle perspective de vie humaine n'était plus
sombre à examiner!... Mais qu'importait! n'étais-je pas dispo-
sé à tout subir sans murmurer? — Nous arrivâmes à l'endroit
où nous attendait le concitoyen dévoué sous la sauvegarde
duquel nous devions faire la partie principale du voyage.
Nous nous hâtâmes d'abréger les derniers instants, si pénibles,
de la séparation , car des sanglots avaient rompu le silence
qui régnait dans le groupe formé autour de n o u s , et ces san-
glots, u n limier de police pouvait les entendre et découvrir
par là notre secret! A peu de distance, nous montâmes dans
une voilure p r é p a r é e , et nous n'eûmes bientôt de L y o n , où
je laissais tout ce qui constitue les neuf-dixièmes de mon exis-
tence , que les plus vifs et les plus ineffaçables souvenirs.
   C'était notre exil qui commençait, exil tout volontaire;
mais ceux qui ont été chercher le repos hors de leur patrie ,
savent seuls combien est lourd à supporter ce fardeau de
l'éloignement. Nous voulions employer ce temps d'exil à faire
une ample moisson de forces, d'inspirations et de souvenirs,
qui pût nous aider à supporter plus tard les douleurs physi-
ques et morales de la captivité, car déjà alors nous p r é -
voyions notre sort futur. Ne savions-nous p a s , en effet, quels
étaient nos accusateurs et quels seraient nos juges!              Nous
visitâmes d o n c , en France m ê m e , tout ce qui se trouva de
curieux et d'intéressant sur notre route. L'église de Brou ,
aux sculptures de laquelle aucune des belles basiliques de la
France et de la Suisse n'offre rien de c o m p a r a b l e , ne fut pas
oubliée. Nous fîmes notre première halte au pied du Jura ,
chez un maire avec lequel nous partîmes ensuite , à pied ,
dans la direction de la frontière Suisse. Deux jours après, nous
étions à St-Claude, la ville si pittoresque et si industrielle.
Ce qui étonne le p l u s , dans ces montagnes escarpées, c'est
d'y voir tailler et polir les pierres précieuses , apportées là du
Brésil , p a r exemple, et de reconnaître, tout à côté, une foule