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. . H)3 fième siècle pour pôinf de départ, je tâchai d'arriver par des déductions logiques à notre état social actuel. Mes rêveries me conduisirent jusqu'au milieu du village de Ferney. En levant les yeux, je vis flotter les trois couleurs mêlées au feuillage d'un peuplier. Je ne cherchai pas plus loin ma con- clusion ; elle était toute trouvée. Le château de Ferney appartient actuellement à M. le comte de Budé, qui l'a acheté de M. de Villette. De Ferney aux Charmettes'^ il y a moins loin qu'il ne sem- ble d'abord.; car il est facile de semer de souvenirs la distance qui sépare le château de la chaumière. Genève, berceau de Jean-Jacques, Annecy et Cbambéry, où il demeura, forment les anneaux de la chaîne de jonction. D'ailleurs, à défaut de la transition géographique qui se présente, on ne serait pas embarrassé d'en trouver d'autres. Voltaire et Rousseau, ces deux hommes désunis pendant leur vie par la différence de leurs goûts et de leur caractère, peut-être par une rivalité de talents, sont maintenant confondus dans les mêmes suf- frages et les mêmes anathèmes. Ce sont deux noms devenus fraternels, deux astres jumeaux, hjs Castor et Pollux de la littérature. Il s'est établi entr'eux une sorte de solidarité, tellement qu'on n'attaque guère l'un sans attaquer l'autre. Leurs livres se touchent sur les rayons d'une bibliothèque, comme sur l'index de Rome et dans les flanjmes des auto-da- fés. Si on parle de l'un, on pense à l'autre. Si on parle du dix-huitième siècle, on pense à tous les deux. Depuis le temps qu'on les accole et qu'ils ont les mêmes amis et les mêmes ennemis, il y a lieu de croire qu'ils se sont récon- ciliés. La petite maison des Charmettes est donc le pendant indispensable du château de Ferney. C'est par une belle matinée de septembre que je m'ache- minai vers les Charmettes, foulant ces sentiers que Jean- Jacques avait si souvent parcourus. Je suivais un chemin ombragé des deux côtés, et le long duquel coule un petit ruisseau. Jamais je ne m'étais senti si disposé à cette vague;