Revue du Lyonnais » série 1 - n°3 ( 1836 ) » pp.028

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    Il y a peu d'années que tous les hivers ramenaient à Tou-
lon une société dont les éléments disparates formaient un
tout si attrayant, que chacun briguaient la faveur difficile à
obtenir d'en faire partie. De vieux généraux, de jeunes ar-
tistes , les officiers les plus distingués du corps de la marine,
des envoyés des Cours étrangères , quelques malades venus
de tous les points du globe^ réunis par les mêmes goûts, for-
maient ce qu'on appelait dans le pays : la Société verte ; par
allusion sans doute à de longues excursions botaniques, en-
treprises moins dans l'intérêt de la science que dans celui des
plaisirs de la réunion.
    Ce fut dans la Société verte, que Paul H. vit, pour la pre-
mière fois , Marguerite de L. Elevé en Allemagne, Paul en
avait rapporté , avec toutes les théories du Kantisme, un in-
vincible penchant à la rêverie , ce symplôme maladif de nos
sociétés modernes. Fuyant le monde, il vivait dans la soli-
tude la plus absolue, lorsque le hazard lui montra Margue-
rite ; un regard de cette femme porta le trouble en son cœur.
 A dater.de cet instant, sa vie prit un autre aspect, il ne vé-
cut plus qu'en elle et pour elle.
     Marguerite était une de ces créatures privilégiées qui ne
 croiaienl qu'à un seul amour. Famille, joies de mère, bonheur
 d'intérieur , elle avait renoncé à tout pour l'amour d'un hom-
 me , qui avait deviné , dans cette heureuse exception fémi-
 nine , une de ces âmes puissantes qui sentent et inspirent
  une véritable passion, et qui regardent en mépris ces petits
 arrangements de société , ces intrigues méprisables que le
 monde nomme amour ! Cet homme était la pensée de sa vie,
  le Dieu de son autel, le jour où elle eut cessé d'être aimée,
  Marguerite serait morte. Ensevelissant sa passion dans son
  ame , le mystère le plus profond ajoutait encore sa poésie à
  tous lés charmes de son amour. Dans le monde elle passait
  pour être spirituelle, mais froide , car elle recevait sans
   danger les soins des nombreux admirateurs dont elle était
   incessamment entourée. Elle s'apperçut bientôt de l'impres-