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s'inquiète peu de ce que la maison deviendra. Tant qu'il reste
dedans , il en jouit; une fois dehors, qu'elle brûle ou s'écroule,
peu lui importe !
   Ainsi fait l'homme livré à son seul sentiment : il vit sur
lui et pour lui. Point de règle, qui lui serve de boussole sur la
mer infinie et mobile du raisonnement, point d'ancre de
salut auquel il puisse attacher ses espérances , point de port
dans l'avenir pour fuir les misères d'une réalité funeste et
imméritée : lui toujours, et après lui le néant.
   Le néant, religion de douleur et de désespoir, est-ce bien
celle de la société actuelle, et tous ses enfants en ont-ils sucé
le poison. Me voici plus près du peuple. De la boutique à la
rue, il n'y a qu'un pas, et faut-il que je m'écrie encore : « où
donc s'est réfugié l'esprit de Dieu ? a-t-il abandonné les hom-
mes ? et le pauvre comme le riche, le fort comme le faible
n'en ont-ils pas gardé souvenance? »•
   Hélas ! cela n'est que trop vrai ! Le libéralisme de la Res-
tauration a soufflé sur les dernières lueurs des croyances re-
ligieuses. Ce libéralisme criailleur avait brouillé les mots à
plaisir, faisant du catholicisme le plus grand ennemi de la
révolution, et affublant la religion d'une robe de jésuite. Il
 n'était pas difficile de faire accroire les boutiquiers, gens
à petit savoir, n'ayant ni le temps, ni l'instruction nécessaire
pour replacer les faits dans leur vérité , et à qui toute science
divine ou humaine arrivait par les éditions à cinq sols de
Voltaire et les colonnes du Constitutionnel.
   Je me rappelle qu'à cette époque Lyon passait pour un
des repaires du jésuitisme. On voyait beaucoup de monde
dans les églises ; entre électeurs patriotes on se disait cela à
l'oreille, et non sans force imprécations contre les robes
 noires. Heureusement le petit commerce restait esprit fort;
les boutiquiers ne croyaient ni à Dieu ni à diable, mais
 haïssaient l'un et l'autre !
    Aussi, quand l'épicier ne vendait pas son poivre ou sa
 canellc, à qui la faute? aux jésuites! Si le boulanger