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432                   LA REVUE LYONNAISE
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   Je ne parlerai pas plus longtemps de tous ces objets précieux :
qu'on me permette seulement d'ajouter que tout le courage et le
dévouement des personnages dont j'ai parlé plus haut ont eu peu
de profit pour l'art. Tout- ce qu'ils ont sauvé de tant de monu-
ments du génie artistique de nos pères est tombé, deux siècles
après, dans des mains pires encore que celles du baron des Adrets.
La révolution a fait main basse, en 1792, sur eux. Si elle avait été
intelligente, sans passion, et si elle eut compris tout ce qu'ils ren-
fermaient d'enseignements utiles pour l'artiste et pour l'ouvrier,
elles les eût réunis dans les musées qu'elle créait; mais, n'écoutant
que ses haines stupides, elle les a jetés, comme un vil plomb, dans
les creusets de la monnaie et a détruit ainsi, froidement, les plus
beaux chefs-d'œuvre de l'art français, pour gaspiller ensuite les
maigres sommes tirées par elle des lingots d'or et d'argent conver-
tis en numéraire. Parmi ces chefs-d'œuvre artistiques, il en est
un surtout qui eût dû trouver grâce devant ces modernes van-
dales, c'est la rose d'or offerte en 1245, par le pape Innocent IV, au
Chapitre de Saint-Just, en reconnaissance de l'hospitalité qu'il avait
trouvée pendant huit ans dans son monastère, lorsqu'il avait dû
fuir l'Italie, où il n'avait plus été en sécurité par suite de la haine
implacable de l'empereur Frédéric, son plus cruel ennemi. Cette
rose, composée de cinq feuilles d'or garnies de pierreries, portait
dans son cœur une cornaline avec une intaille exécutée par un de
ces grands artistes que la papauté a toujours protégés. Cette rose
n'avait pas de cachet religieux ; sa vue ne pouvait pas offenser
ceux qui détruisaient tous les signes du christianisme ou féodaux.
Mais elle avait un grand tort à leurs yeux, celui d'avoir appartenu
à un monastère ; et on la brisa sans qu'on sache ce qu'a pu devenir
la pierre qu'elle renfermait.
   L'Etat cependant s'était réservé, dans la fonte de l'argenterie
des églises, tous les camées et les intailles qui ornaient les vases
sacrés et les reliquaires. Quelques-uns sont parvenus jusqu'à la
Bibliothèque nationale où on les admire encore, mais la plupart ont
été volés : A Ghartres, c'est même un député à la Convention » qui
martelait les reliquaires et détournait, à son profit, les pierres gra-
vées qu'il en détachait.