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                        MAINE DE BIRAN                            139
par le même procédé philosophique, ils ont dû arriver à des
doctrines qui ont cherché l'attribut essentiel de l'âme dans le type
d'activité libre, et qui présentent, sauf des différences accessoires,
un grand fonds de ressemblance.
    Voyons maintenant comment Maine de Biran en vient à s'af-
firmer que la volonté est la puissance unique de l'âme.
    Il en vient là sur la foi de l'expérience qui lui enseigne que
l'effort est en nous la source de toutes les modifications dont
l'âme peut avoir conscience. L'effort, tel est pour, lui, non seu-
lement le fait initial, mais le fait général. Rien de plus lumineux
que les savantes analyses par lesquelles il explore ce jeu primitif
du moi. On conçoit en les lisant que Cousin l'ait proclamé le plus
grand métaphysicien, peut-être eût-il mieux valu dire, le plus
pénétrant psychologue de notre temps. C'est surtout l'effort mus-
culaire que Maine de Biran a interrogé, et on lui en a fait quelque
reproche, comme si par là il avait exposé l'action de l'âme aux
immixtions d'un grossier et constant matérialisme. Mais il est
aisé de voir que l'effort musculaire, instrument organique de la
production du mouvement, n'est qu'un cas particulier, qu'un
exemple plus saisissable, qu'une sorte d'image dont il se sert
pour expliquer le type abstrait de l'effort. Le moi qui se pose par
l'effort et qui éprouve une résistance, voilà ce que la conscience,
à son premier éveil comme à sa dernière clameur, nous atteste.
Une dualité originelle s'empreint ainsi à tout phénomène psycholo-
gique, quel qu'il soit. Deux termes s'y correspondent et sont
donnés en même temps : un effort et une résistance. Or, l'effort
est voulu, l'effort n'est pas autre chose que la volonté, l'effort est
la volonté qui se déploie. Attentif à cette donnée féconde, le philo-
sophe suit l'effort dans toutes ses applications diverses ; il le
trouve dans les perceptions, dans les idées, dans les senti-
ments, dans les mouvements organiques, dans les modifications
de toute sorte inhérente à l'âme ; partout, c'est le moi qui
s'unit activement aux faits psychologiques. Cette permanente
dualité de l'effort et du terme résistant, prise en général, traduit
le moi et le non-moi, ou, ce qui revient au même, elle donne la
détermination du sujet et de l'objet. Maine de Biran l'emploie
encore d'une manière fort spécieuse, à en dériver la notion de