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420                  LA REVUE LYONNAISE
pour lui que je ne saurais définir ; je me trouvais précisément à la
place où, l'année précédente, je m'étais séparé de mes compagnons
de voyage et avais mis pied à terre revenant de Dijon, les Bour-
bons dans mes poches. C'était maintenant lui qui les faisait repartir
avec une conscience parfaite de sa supériorité et de sa popularité.
La jeune France, la France enthousiaste, belliqueuse, les cam-
pagnes étaient pour lui ; les salons effrayés lui restaient hostiles ;
ceux du faubourg Saint-Germain tremblant pour leurs titres régé-
nérés, ceux de la Chaussée-d'A.ntin pour leur argent. Mon œil
suivit avec un véritable sentiment d'angoisse cette grande majesté,
arbitre de tant de choses accomplies, de tant d'autres qui allaient
encore s'accomplir. Bientôt des flots de peuple le dérobèrent à ma
vue. Je venais de le contempler pour la dernière fois.
    Il ne m'appartient pas de retracer dans ces Souvenirs les grands
événements politiques qui suivirent ; je n'ai voulu esquisser que
les scènes qui intéressent spécialement Lyon. Cet homme que
 j'admirais, mais que je n'avais jamais aimé, je le plaignis sincère-
ment, lorsque, après d'enivrants triomphes, les plus cruels revers
finirent par le terrasser.
    Le monde frémit quand un nom de cette force perd son pouvoir
et ne gronde plus que dans l'histoire. La conscience s'afflige aussi
de tous les parjures que la faiblesse humaine et l'ambition en-
gendrent à la suite de pareils événements. Ces parjures furent
nombreux ; je suis heureux de ne point avoir à m'en reprocher.
    Lorsque vint le jour des élections pour la Chambre appelée par
l'Empereur, lorsque le Président du collège, M. Vouty, m'intima
qu'il fallait, avant que de voter, préalablement adhérer à l'acte con-
stitutif additionnel qui excluait à jamais les Bourbons du trône de
France, je dis non et me retirai.

                                      H . A, BRÔ'LEMANN.