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164 LA R E V U E LYONNAISE
œuvres de la maturité précoce, si sa longue vie n'est qu'une flo-
raison durable et une perpétuelle moisson, il est souvent le seul
de sa race. La richesse, venue tardivement le récompenser, au
lieu d'être une avance pour ses fils, est un obstacle; elle semble
paralyser le génie et empêcher qu'il y ait une dynastie pour la
royauté de l'intelligence.
Toutefois, si la pauvreté est un heureux aiguillon pour le talent,
elle peut, lorsqu'elle est trop intense et trop longue, devenir un
obstacle infranchissable. Il y a exagération à dire que « la meil-
leure chance du genre humain, c'est l'homme de génie affamé1.»
A lutter trop longtemps et trop souvent contre la misère, l'homme
s'affaiblit au lieu de s'aguerrir; il ne se « bronze » pas, il se brise
Les vents contraires ne décuplent pas sa vigueur pour le conduire
au port; ils causent plutôt son naufrage, c'est un homme à la mer.
La pauvreté n'est un aiguillon salutaire que si elle n'inflige
pas des souffrances trop vives ; sinon, le génie reste stérile, la faim
détruit le talent, ou bien les contemporains admirent un chef-
d'œuvre sur une tombe prématurément ouverte.
Les travaux intellectuels sont indispensables à la société —
n'ayant pas toujours une valeur économique directe, facilement ap-
préciable, qui s'impose à tous, ils sont peu ou point rémunérés; —
les difficultés du début,les nécessités de l'existence sont un aiguillon
bienfaisant pour les hommes adonnés à ces travaux, pourvu que la
misère ne soit pas trop grande, car alors elle empêche le dévelop -
pement du génie.
Tels sont les faits qu'ils ne faut pas perdre de vue lorsqu'on exa-
mine l'intervention de l'État par subventions, encouragements,
pensions et autres emplois de l'impôt au profit des écrivains, des
artistes et des savants.
Bastiat et la plupart des économistes sont opposés aux subven-
tions de l'Etat qu'ils estiment dangereuses et injustes. Des argu-
ments sérieux sont invoqués en faveur de cette doctrine tout Ã
fait individualiste8.
* ÙUpcint-Whlte. L'individu et V État s cii. Vlî, sect. Vt, p. 283.
2
Bastiat. Pamphlets. —Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, ck IV,
t. V, p. 347. s.