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130                        LA R E V U E    LYONNAISE

à supposer dans l'homme l'étroite liaison de trois vies, la vie ani-
male, la vie humaine., la vie divine. Ces trois vies seraient, la pre-
mière celle de l'organisme corporel, la seconde celle de l'intelli-
gence et de la volonté, la troisième celle de l'esprit ou de l'union
avec Dieu. Il est assez malaisé de comprendre la nature du lien
qui les réunirait. Maine de Biran fait une scission tranchée entre
les deux premières vies. Assemblées dans'l'homme, elles y intro-
duisent, selon lui, non pas un accord, mais un conflit. La vie de
l'organisme se passerait sous l'empire du fatum, tandis que la
seconde vie, caractérisée par l'effort libre (le nisus) serait seule
véritablement propre à l'homme. Dans les idées du philosophe,
un principe de la vie organique conçu à la façon de l'école de
Montpellier, vient se juxtaposer à l'âme, siège de la vie du moi;
et la fonction régulière de la seconde vie serait de ne pas se laisser
absorber dans les prépondérances animales de la première. Quant
au rapport de la vie humaine avec la vie divine, Maine de Biran
n'a guère pris soin de le préciser. Il établit cette proportion mys-
tique : Dieu est à l'âme humaine ce que l'âme est au corps {. Nous
aurions à renverser cette proportion élémentaire de notre exis-
tence, pour y substituer une sorte d'équation avec Dieu. Le moi
serait appelé, avec un certain concours surnaturel de la grâce, à
s'absorber en Dieu, c'est ainsi que la troisième vie s'épanouirait.
Chacune des trois vies distinctes et assorties par un nœud qui de-
meure fort obscur serait pourvue d'un ordre spécial de facultés.
Notre philosophe enseigne expressément qu'il y a, avec les trois
vies, trois ordres de facultés dans l'homme8.
   On sait, et le savant éditeur des œuvres inédites de Maine de
Biran l'observe à juste titre, que cette doctrine des trois vies n'est
pas nouvelle. Elle vient de loin, elle a été avancée par saint Au-
gustin et saint Bonaventure, et le P. Gratry a fait effort pour la
restaurer de nos jours. M. Ferraz remarque que saint Augustin
avait lui-même puisé cette doctrine dans les Ennéades de Plotin 3.
Mais elle n'a pas réussi à sortir de cette partie des opinions des

 1
     Œuvres inédites de Maine do Birau, publiées par Navilie, t, lit, p. 548.
 2
     Ibid-, p. 540.
 3
     M. Ferraz, Psyc/ioi. de Saint-Augustin,  p. 93.