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410                   LA REVUE LYONNAISE
 site sympathique, même parmi les antagonistes de sa race. Des
 cœurs dépravés demeurèrent seuls insensibles à cette apparition, et
tournèrent en ridicule le souci que l'on prenait de la bien accueillir.
    Les imaginations s'échauffèrent ; c'était à qui préparerait des
fleurs blanches, des bannières allégoriques, des devises mariant la
présente allégresse aux anciennes douleurs. Depuis quelques mois,
le siège de Lyon avait assumé un autre caractère. Le siège n'avait
plus été soutenu par les Girondins, ardents, mais purs patriotes,
résistant à la tyrannie de la Convention ; à cette heure, c'était toute
 une ville, fidèle à la légitimité, immolant ses fils pour elle. On avait
 combattu sous Précy uniquement pour les lys. On écartait le man-
 teau dont s'était couvert ce général, pour s'unir au sentiment de
juste résistance qui animait la population lyonnaise, effrayée
depuis le 25 mai 1793, par les trames de la Convention. On oubliait
que les Lyonnais avaient combattu surtout pour leur indépendance
et leur vie, et qu'ils n'étaient qu'en petit nombre inspirés de cette
tendresse pour les Bourbons, que l'on se plut alors à faire ressortir
pour mieux flatter la duchesse. L'École de peinture lyonnaise,
échauffée par un de ses maîtres, adopta le costume chevaleresque
du moyen âge, et fit consommation des plus éclatantes couleurs
pour peindre ses étendards. On portait en général une grande atten-
tion à la contenance des familles protestantes. Ayant été investies
par la Révolution du droit commun et d'une complète liberté reli-
gieuse, il était assez naturel de suspecter que les mots Bourbons et
persécution fussent pour elles synonymes. On surveillait leurs
gestes, leus paroles. Les napoléoniens leur reprochaient leur timi-
dité, les légitimistes leur tiédeur. La position était embarrassante.
On sait ce qui plus tard arriva dans le Midi, où le fanatisme suscita
contre elles des persécutions que l'autorité fut impuissante à répri-
mer pendant un certain temps. Dans cette situation, malgré la
répugnance que j'ai toujours éprouvée à me mettre en évidence, je
ne voulus pas refuser la proposition qui me fut faite de m'enrôler
parmi les chevaliers du Dais, confrérie qui s'était chargée de
porter un fort beau dais de taffetas bleu frangé d'argent sur la tête
de la princesse, pour la garantir du soleil lorsqu'elle cheminerait en
calèche découverte sur nos quais. Les principaux de ces chevaliers
étaient MM. Journel, Dareste, Valesque, Coste, Rouveyre, beaux