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212 LA R E V U E LYONNAISE parlers différents (marseillais, arlésien, languedocien, gascon, limousin, béarnais). Or, ces dialectes ont subi parallèlement et de siècle en siècle des changements qui les rapprochaient du français. De plus, dans son tableau historique et littéraire, M. Mary Lafon prétendait que la langue des troubadours était parvenue jusqu'à nous sans presque aucun changement. Ceci d'ailleurs est tellement voilé par l'orthographe moderne et .certaines altérations que le lettré néo-roman se perdrait dans le romano-provençal. M. Lafon semble en douter. Et nous nous servirons de son assertion elle- même pour le réfuter. Enfin donc, pour répondre• à cette dernière opposition de l'au- teur, nous dirons que si les félibres, après l'établissement de l'unité orthographique, ont dû remonter aux sources de l'époque classique des troubadours, c'est qu'ils avaient besoin d'expressions très re- levées, non employées par les poètes de transition qui frayèrent peu avec le genre noble, expressions que les seules œuvres lyriques ou épiques de la grande époque pouvaient abondamment fournir. Et notre étude est terminée. M. Mary Lafon insiste encore sur la prétendue corruption de la langue du félibrige, il ne veut pas comprendre que Mistral, qui considère son idiome comme langue vivante puisse et doive y faire entrer les termes scientifiques d'étymologie latine dont les autres langues modernes enrichissent leur dictionnaire ; il ne veut pas admettre enfin qu'il y ait un vocabulaire spécial aux « personnes instruites », historiquement nécessaire, puisque la langue était tombée des mains du chevalier aux mains du pâtre et du marin. Je n'aurais pas cru devoir m'attaquer à ce livre si je ne l'avais vu prendre en considération par des hommes de la valeur de M. Caraguel1, et je ne parle ici, bien entendu, que de cette partie dont nous nous sommes occupé. M. Mary Lafon nous dit quelque part qu'il ne reçut jamais de ses compatriotes pour son Histoire du Midi la reconnaissance qu'il en attendait. Ce n'est pas assurément en s'attaquant à des poètes de la taille de F. Mistral dont toutes les cités, là -bas, s'arrachent la présence qu'il parviendra jamais à l'obtenir. 1 Feuilleton des Débats^ du 24 juillet.