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                SOUVENIRS — 1 8 1 3 - 1 8 1 4 - 1 8 1 5            343
     M. de Bavière, un gros réjoui, épais de corps et passablement
  d'esprit, portant des épaulettes à la hauteur de ses oreilles et son
  sabre bien redressé sous le bras, aimant à plaisanter, appartenait,
 par sa famille, aux cadres autrichiens, depuis l'émigration. Il
 n'était ni bien Allemand, ni bien Français.
     M. de Laurencin, grand, osseux, beau parleur, ne dissimulant
 point ses sympathies pour les temps chevaleresques; du reste, fort
 poli et d'excellente compagnie,
    M. Camille Jordan. Presque chacun connaît sa belle carrière
 parlementaire, caractère consciencieux, libéral et sage dans ses
 vues politiques et religieuses, parlant avec une extrême pureté de
 langage, d'uu port élancé, d'une figure spirituelle et douce, celle
 d'un homme de bien, l'antipode de tous les excès.
    Notre voyage fut aussi gaique le comportaient les circonstances.
 La conversation ne tarissait pas. Que de conjectures formées sur
la manière dont le drame du moment se dénouerait ! Point n'était
 encore question des Bourbons. Nous faillîmes perdre en route M. de
Bavière, l'ayant laissé en arrière à Beaune, tandis que nous le
 croyions devant nous, se promenant à pied sur la route, pour digé-
rer un bon dîner.
    Cette aventure nous coûta une heure. Nous arrivâmes assez tard,
le second jour, à Dijon. M. de Bavière fut prendre langue pour faci-
liter nos démarches du lendemain.
    La nouvelle de l'arrivée de trois députés de Lyon circula promp-
tement dans l'hôtel. Il régnait, à Dijon, parmi les troupes autri-
chiennes, un certain air morne dont l'aubergiste nous entretint et
qui attira notre attention. Je fus chargé par mes deux collègues de
prendre des informations. J'appris, en effet, par despersonnes auprès
desquelles j'étais recommandé, que les officiers supérieurs étaient
visiblement préoccupés et que depuis le matin les bagages rétrogra-
daient.
    Ces renseignements fournirent matière à plusieurs conjectures
qui occupèrent l'ambassade lyonnaise fort avant dans la nuit.
    Le lendemain, pendant que nous déjeunions, M. de Bavière nous
prévint que le prince de Metternich nous recevrait à onze heures.
    Son Excellence habitait, au fond d'un jardin, une maison d'assez
modeste apparence. Nous fûmes annoncés et bientôt en présence