Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
4                          LA R E V U E      LYONNAISE
                  1
ment envahis . Les désastres étaient horribles. On avait condamné
les portes des maisons des pestiférés, et plus d'un était mort dans
les affreuses convulsions de la faim.Ceux des habitants qui avaient
cru trouver un refuge dans la campagne étaient poursuivis par les
paysans à coups de pierre. Ils erraient ça et là, sans vivres, et
mouraient délaissés au milieu des champs et dans les bois. La popu-
lace surexcitée accusait des individus-de propager volontairement"
l'épidémie, se ruait sur eux et les massacrait, sans pitié, partout où
elle les rencontrait. Le prévôt des marchands et tout le consulat
furent admirables de dévouement. Le clergé tout entier se consacra
au service des malades et compta aussi bientôt lui-même de nom-
breuses victimes. Les Capucins, les Minimes, les Récollets, les Pères
du Tiers Ordre, les Jésuites,!esCarmes Déchaussés se multipliaient.
On les rencontrait partout où le péril était le plus grand. Ils
retiraient des maisons, pour les ensevelir, les cadavres putréfiés
oubliés par les préposés du consulat 2, dont le courage avait
 failli. Ils en sortirent plus de cent d'une seule maison des Terreaux.

    (
     Il paraît cependant que le quartier de la Croix-Rousse fut exempt de la peste.
On voyait autrefois à la montée de la Grande-Cote, au-dessus de la rue Neyret,
sur la porte d'entrée d'une maison, une petite sta'.ue de saint Roch, avec cette
légende: « Ejus priesidio non ultra pestis, 1628. » L'image du protecteur de ce
quartier a disparu pendant la Révolution. En renouvelant l'inscription, il y a quel-
ques années, on en a retranché les mots ejus prxsidio. (Notes et documents, P é -
ricaud. Lyon, Barret, p. 174.) Ces jours derniers, on a démoli aussi dans ce quaiiier,
par ordre du Maire de Lyon, l'antique croix dite Croix Paquet.
   2
     Ceux qui n'ont pas été témoins oculaires des ravages faits par ces grandes
épidémies qui déciment parfois si cruellement les populations de certaines contrées,
ne peuvent s'en faire une idée exacte et sont tentés de taxer d'exagération les historiens
qui les rapportent Mais j'ai pu voir de mes yeux, pendant trois mois, en 1853, dans le
département du Var, ce qu'a d'horrible et d'inénarrable une épidémie,lorsqu'elle atteint
le degré de celle qui ravagea alors la Provence et dont je dis être témoin par mes
fonctions. Dès les premiers jours d'août, le choléra apporté de Marseille, sévit, on
peut le dire, avec une véritable rage, A Brignoles, pas une maison fut épargnée ; la
mort frappait à chaque porte et presque toute la population se réfugia sur les mon-
tagnes. A Saint-Maximin, les ravages furent si affreux que personne ne voulut
plus inhumer les morts. Les gendarmes et le maire eurent seuls le courage de ce
lugubre soin. Ne pouvant pis suffire à creuser les fosses, ils mettaient les cadavres
en tas, et se bornaient à les couvrir de chaux et d'un peu de terre. Plus d'un mort
resta oublié dans les maisons désertes. Ceux qui survivaient étaient dans un état de
prostration complet. On ne les voyait que le soir, réunis à genoux sur les places et
demandant à Dieu, eu commun, d'une voix lugubre, la cessation du fléau. La nuit,'
dans chaque rue, brûlaient d'énormes tas de plan tes aromatiques, elles flammes
rouges des feux ajoutaient encore à l'horreur du tableau. Pas une voix discordante ne