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                    I N T E R M É D I A I R E LYONNAIS                        473
siavie \ ils apportèrent auxCelto -Gaulois cette coutume religieuse
qui s'est, vous le savez, perpétuée jusqu'à nous, dans beaucoup
de localités, par l'usage ridicule de brûler publiquement, le pre-
mier jour de Carême, un ignoble mannequin du nom de Carnaval
ou de Mardi-Gras.
   Pour le peuple qui n'a jamais entendu parler d'Osiris ou qui ne
voit dans Bacchus sur son tonneau que le dieu du vin, il n'y a là
qu'un enterrement du Carnaval, caro vale, un adieu à la chair, ou,
si vous le préférez, une sorte de purification des mascarades avant
le jeûne et l'abstinence qui doivent préparer à la grande fête de
Pâques: c'est, tout au moins, une pieuse substitution à ces tristes
cérémonies païennes où les célébrants en délire s'affublaient de
peaux de lion, de tigre, d'ours ou de chien.
   Eh bien ! lorsque Henri IV, en abjurant le calvinisme, en
juillet 1593, eut annihilé la Ligue, ne peut-on pas croire que le
peuple lyonnais, profondément attaché au royalisme et heureux
de la conversion du Béarnais qui permettait de voir en lui
un successseur légitime à Henri III, trouva bonnes les mascarades
du Carnaval pour tourner en dérision, l'année suivante, cette
formidable insurrection qui, sous le nom trompeur de Ligue du
bien public, avait semé tant de ruines : le mannequin du Car-
naval se transforma, dans son indignation, alors surtout qu'elle
n'était plus, en une image de la Ligue, cette vieille sorcière
qui n'avait alors obtenu que ses outrages et ses imprécations.
   L'auteur de Y Historique de la Garde de Lyon, plaquette raris-
sime de quatre pages imprimée en 1766, que vous citez, se fit l'écho
(s'il ne l'inventa pas) de cette vieille légende de l'exécution de la
Ligue, qui, depuis 1576, avait ensanglanté notre sol au profit du
duc de Guise, prétendant au trône de France.
   Voilà pourquoi nos annallistes lyonnais, plus sérieux, se sont
tous tus sur cette effervescente comédie de 1593; ils n'y ont vu
que le rappel d'une ridicule cérémonie de nos pères les Gaulois,
qui l'avaient reçue des envahisseurs de leur sol.
   J'aime à croire que vous, si studieux de tout ce qui regarde le
passé de la grande cité lyonnaise, vous penserez que mon opinion

   V. ma brochure, les Ségusiaves, origine et étymologie, Montbrison, 1881.