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418                          LA R E V U E        LYONNAISE

   « Mon ami, dit-il, en se tournant vers un soldat chaudement
vêtu, ton empereur a froid. Prête lui ta capote. »
   Nouvel enthousiasme dans tous les rangs. Le" pauvre diable qui
lui livrait sa peau se serait au besoin mis nu pour le contenter.
   Le soir, il aborda plusieurs questions avec M. Vouty, président
cle la Cour d'appel1, relativement à divers changements qu'il désirait
introduire dans nos codes.
   Néanmoins les hommes soucieux et prévoyants n'osaient pas se
fier avec une entière sécurité au nouveau feu de cette éloile. Une
certaine appréhension régnait dans beaucoup d'esprits.
   Le dimanche s'annonça mélancolique. La neige tombait de nou-
veau à gros flocons et tenait sur les toits. A dix heures, je fus me
placer avec mon fils, chez mon ami M. Rieussec, habitant à cette
époque la Manécanterie dont les fenêtres donnaient sur la grande
cour de l'archevêché. A midi, l'Empereur devait passer en revue
 tous les officiers d'un régiment cantonné à Vienne et qui était, si
ma mémoire est fidèle, commandé par le général Christophe. No-
nobstant la température rigoureuse, les maisons étaient garnies

lut d'autant mieux reçu que l'argent manquait à l'empereur; à peine arrivé à Lyon,
il envoya un de ses aides de camp requérir un million en espèces à la Banque de
Lyon, dont le directeur était alors M. J.-B. d'Arnal. Celui-ci, avisé de la réquisition
par un ami officieux, n'eut pas le temps de quitter l'hôtel de la Banque, situé
place des Pënitents-de-la-Croix, bâti à la fin du siècle dernier, par la famille Schérer
de Grandclos. M. d'Arnal, ne voulant pas livrer les fonds qui lui étaient confiés, ne
voulant pas mentir en disant qu'il ne les avait pas, ne pouvant pas d'ailleurs résister
à la force et se dérober auK exigences de l'aide de camp muni de l'ordre et du
blanc-seing de l'empereur, imagina de se cacher dans une armoire cle sou apparte-
ment dissimulée par une alcôve et des draperies.
   L'officier arrive et demande le directeur ; on lui dit qu'il est absent, que lui seul
a les clefs des caisses ; l'officier insiste, on lui offre de visiter tout l'hôtel ; il visite les
chambres, les salons, les plus sombres réduits; il frappe sur les caisses, et ne trouvant
rien, allait se retirer pour chercher main-forte et forcer les caisses, lorsqu'un petit
barbet très intelligent, uommè Lubiu, qu'avait M. d'Arual, s'échappe d'une pièce
voisine et vient hurler lamentablement au pied du lit derrière lequel était la cachette
où s'était blotti M. d'Arnal. L'officier, frappé de l'insistance de l'animal, devine à
demi-jappement, fait retirer le lit, heurte, enfonce la porte et met au jour le malheu-
reux directeur, qui dut s'exécuter et remettre à l'officier contre quittance le million
exigé, lequel facilita singulièrement la marche de l'empereur sur Paris. Voilà comment
Lubin devint un animal politique. Tout Lyon sut l'histoire et s'en amusa. (Ibid.)
   1
     Claude-Antoine, baron Voutry de la Tour (la Tour de Champs ou de la Belle-
Allemande, sur la Saône, à l'entrée de Lyon), premier président de la Cour royale
de Lyon, député du Rhône à la Chambre pendant les Ceut-Jours, né en 1761, mort à
Paris, en février 1826. Son Éloge a été publié par H. ïorombert.L. Perrin, 18Î6, in S».