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416 LA REVUE LYONNAISE « mayeux » de cette époque, se promenait le matin en criant mali- cieusement : « Voici le marchand d'encre, voici le père la Violette, mon encre sent la violette. » Cet originaire l'avais maintes fois rrncontrè sans songer à aucune allusion, mais après la nouvelle du débarquement, il appuya tel- lement sur le père la Violette, que sa pensée ne pouvait plus échapper. Tel était le prestige qu'exerçait encore la personne de Napoléon sur le peuple. Le lendemain de l'arrivée, dès six heures du matin, je fus, en vrai badaud, me poser sous les fenêtres de l'appartement que l'Empereur occupait à l'archevêché. Cet appartement peu élevé avait vue sur l'angle de la place et du quai. Grand nombre de grenadiers, étendus sur de la paille fraîche ou a?sis sur leurs sacs, les armes en faisceau, se chauffaient encore au feu du bivouac. Grâce à la sollicitude belliqueuse des femmes du quartier, ils avaient été largement pourvus de pain, de viande, de saucisses, de vin, et se montraient cordialement sensibles à ces hommages, signes de la reconnaissance qui leur était due pour avoir si bien gardé, si heu- reusement ramené leur chef. C'étaient comme ces chevaux dont ou caresse le poitrail pour les récompenser d'une course rapide. La foule attendait avec impatience le réveil du souverain. Aussi dès sept heures, et sans égard pour sa fatigue, les cris de : Vive Napo- léon ! vive l'Empereur! vive notre Empereur! devinrent si violents, qu'à moins de dormir d'un sommeil enchanté, tout repos pour lui c ssa d'être possible. Sa fenêtre s'ouvrit, il parut sur le balcon, pâle, mais fort gracieux, il saluait de la tête et de sa petite main, Sa mise se ressentait du peu de temps qu'il avait à lui consacrer, sans doute aussi d'une pénurie de vêtements blancs. Il portait un habit vert comme le comte d'Artois, mais quelle différence! Accueilli par des applaudissements et des hourras frénétiques, il adressa de nouveau plusieurs saluts à la foule, puis se retira. Alors un homme à mes côtés, un homme dont la trempe et la faconde révélaient à n'en pouvoir douter les habitants du terroir que nous désignons sous le nom de canuts, s'écria : « Nom, nom, nom de Dieu! C'a est-il un homme! Vois-tu, mon ami, disait-il en s'adressant à son voisin, c'est pas commeles autres,