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SOUVENIRS — 1813-1814-1815 413 On remarqua d'abord une prédilection marquée pour l'ancienne noblesse. Les.hommes de fer de Napoléon s'aperçurent qu'ils avaient des rivaux d'antichambre et de salon, et que la pointe de leur sabre n'ouvrait plus toutes les serrures \ La tour de Babel, je veux dire la Chambre des députés, fut élue, une opposition s'orga- nisa; les traits, la chanson, la critique, muselés par Napoléon, se réveillèrent, on se moqua du monarque en guêtres de velours, de MM. delà Jaubardière allant aux Tuileries à pied avec ailes de pigeon, si bien qu'en janvier-février 1815, on se demandait si l'on marchait et comment l'on pouvait marcher, avec ces velléités d'aller à reculons. De sourdes doléances sur la supériorité du règne de Napoléon commençaient à circuler. Les dames de l'Empire trouvaient que celles de la Restauration portaient le nez trop haut, que les vieux parchemins craquaient mieux que les nouveaux. Alors se répandirent de singuliers aver- tissements. Quelques-uns souriaient en parlant du retour de la violette. Du côté de la Suisse, où Joseph Bonaparte s'était rendu propriétaire du château de Prangins dans le canton de Vaud, on s'entretenait de cette charmante fleur printanière, de ses douces senteurs. Toutefois plusieurs ignoraient ces symptômes, lorsque tout à coup, un dimanche à Lyon, au mois de mars, les postes mili- taires furent doublés... Pourquoi? Qu'y a-t-il? Personne, presque personne ne s'en doutait. Le lundi, au matin, un bruit vague, sur- prenant. D'abord, on n'ose s'en parler qu'à l'oreille; puis, la rumeur va grossissant; enfin, grande explosion, la foudre éclate parmi nous. C'est le banni qui a ouvert les portes de sa prison, c'est l'aigle échappé de sa cage, qui vient de se poser sur la plage d'Antibes, battant des ailes, annonçant qn'il volera de clochers en clochers jusqu'à Paris. Il avance, il avance.. A Au pont de la Mure, 1 « Nous sommes ce qu'étaient vos ayeux,» disait un brave général français à un noble de l'ancien régime. - On trouve dans la collection du Moniteur universel, dans les numéros de mars 1815 des appréciations graduées et fort curieuses, sur le retour de Napoléon en France. Ces nouvelles se succédèrent à quelques heures l'une de l'autre, et un rédacteur du Gaulois les exhuma, il y a quelques années, des archives du Moniteur universel (1er mars 1815). 1° « L'anthropophage est sorti de sou repaire ; 2° L'ogre de Corse vient de débarquer au golfe de Jua.i ; 3° Le tigre est arrivé à Gap ;