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388                        LA R E V U E     LYONNAISE

« Pèr toujour, pèr toujour,                       Que noun- sai galantouno,
Dise adieu esto sero                              Pèr tout caire e cantoun.
A mi gau, à mi plour,                             Dins li cor de chatouno.
À mi cant, à mi guerro!..
                                                  « Bataiant disavert
Car m'atristo l'Amour,
                                                  Pèr moun rèi, moun amado,
Car la Glori m'aterro. »
                                                  Dins l'aram dis aubère
Vaqui ço que disié,                               Oh, qu'ai fa de traucado !
Coume un fraire a si fraire,                      Qu'ai escracha de serp,
A si dous escudié,                                Emé vous, cambarado!
A soun jouglar     cantaire,
                                                  « Mai de fango e defum
La flour di cavalié,
                                                  Soun li glori mourtalo :
La perlo di    troubaire!
                                                  Soun de flour sens perfum,
« Ai viscu dins la lus                            E d'eigloun priva d'alo...
Di grandis alegresso;                             Vole, vole lou lum
Ai beisa lou sen nus                              Que de Dieu me davalo ! »
Di mai bèlli princesso ;
                                                  A si dous escudié,
E, 's verai ! de Vénus
                                                  A soun jouglar   cantaire,
Ai chima li caresso?
                                                  Vaqui ço que disié,
« E resclantis moun noum                          Coume un fraire à si fraire,
De Jourdan à Garouno ;                            La flour di cavalié,
Se canton mi cansoun,                             La perlo di troubaire!


 V. Pour toujours, pour toujours, ce soir, je dis adieu à mes joies, à mes pleurs, à
mes chansons, à mes combats !.... Car l'amour m'attriste et la gloire m'ennuie. »
  VI. Voilà ce que disait, comme un frère à ses frères, à ses deux ëcuyers, à
son jongleur chantant, la fleur des chevaliers, la perle des trouvères !
  VII. « J'ai vécu dans la lumière des plus grandes allégresses, etj'ai baisé le sein nu
des princesses les plus belles; a h ! c'est bien vrai, de Vénus j'ai bu les enchantements!
  VIII. Et retentit mon nom du Jourdain à la Garonne; et chantent mes chansons,
plus amoureuses qu'on ne saurait dire, de tous cô'és, en tous endroits, dedans le cœur
des jeunes filles.
  IX. Batailleur écervelé pour mon roi, ma bien aimée, dans l'airain des hauberts,
oh ! j'en ai fait des trouées! Oh! que de serpents j'écrasai avec vous, mes camarades !
  X. Mais de fange et de fumée sont les gloires mondaines, ce sont fleurs sans
parfums, aiglons dépourvus d'ailes... Je veux, je veux cette lumière qui doit me venir
du Seigneur. »
  XI. A ses deux ëcuyers, à son jongleur chantant, voilà ce que disait            comme
un frère à ses frères, la fleur des chevaliers, la perle des trouvères !