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W.-C, B O N A P A R T K - W Y S E 379 Piado de la Princesso qui vont paraître incessamment... Mais il est temps, je crois, après avoir esquissé la vie, d'étudier l'œuvre du poète et de montrer la place qu'il s'est faite au félibrige. Mistral, par la largeur de son coup d'aile et le génie de son inspiration, s'élève au-dessus de la moyenne des félibres... « comme une église cathédrale au-dessus des masures qui fument à ses pieds, » m'écrivait naguère un des maîtres. Mais quelques-uns, et nous évaluerons ce groupe à cinq ou six individualités mar- quantes (pour ne pas le restreindre témérairement), ont distancé les autres à se rapprocher du Poète. Deux surtout, Aubanel, ce puissant coloriste, par la passion constante de ses vers, et Roumanille, grand humoriste de terroir, par une prose toujours classique, se sont constitué, dès les débuts du félibrige, une originalité primordiale, que les nouveaux venus, quelque talent qu'ils aient, ne parviendraient à dépasser. Il convient cependant de faire large place à Félix Gras et Bonaparte- Wyse. Du premier, jeune et vaillant auteur des Carbovnié, l'épopée du Ventour œuvre forte et vécue, et de Toloza, autre poème, nous nous contenterons de dire qu'il est un des puissants lyriques de ce temps. Quant à Bonaparte-Wyse, la variété de son inspiration, les mille aspets de son grand talent poétique ne nous permettent pas de caractériser d'un mot sa personnalité littéraire. Un trait distinctif de cette nature multiple est un culte profond pour tout ce qui est manifestations extérieures, dans les limites de l'extension de la fraternité et de la divulagtion du beau. Quand M. Wyse apparaît en Provence, le félibrige touche à la fin de ce que j'appellerai sa première époque. Une enfance naïve et simple, des amitiés enthousiastes, des débuts chaleureux qui ne retentissaient pas plus loin que le foj'er, voilà qui valait bien pour ces poètes des champs, la plus magnifique aurore. Et je suis en cela d'un avis opposé à M. de Villeneuve qui accuse cette intimité « bourgeoise » des origines. La famille engendre le beau, plus que la foule. Mais ce qui convient à l'enfance ne suffit plus à la maturité. Ainsi donc, si le félibrige, puissamment secondé par Bonaparte-Wyse, put enfin et dut même envahir l'horizon, c'est qu'il s'était fortifié dans le foyer, dans la patrie. Voici ce que lui écrivai Mistral, le 7 avril 1875, dans une lettre intime dont nous avons la copie sous les yeux. « Je me souviens de ces exaltations amicales, de ces «discours prophétiques, de ces brindes sybillins, qui nous aidaient à mépriser les « injures et le scepticisme, et à ce magnifique titre, vous êtes à mes yeux, et vous « serez aux yeux de l'histoire, un des fondateurs les plus vénérés du félibrige. «Vous avez élargi l'envergure de nos ailes, vous nous avez emportés avec vous «plus haut que les Alpilles natales, et vous nous avez montré les espaces à con- «quéir.» Mais l'échange des idées complique l'éducation. Pour la nouvelle géné- ration, l'élément artistique domina l'élément naturel: elle en vint même à oublier un peu que cette terre de Provence, où tout est clarté, expansion de lumière et fertilité généreuse, avait été pour ses prédécesseurs la grande école de l'esprit. L'art s'altère en s'enrichissant. De la Grenade enlr'ouverte. à la Farandole, l'influence d'Euripide trouve le temps de prévaloir sur celle de Sophocle. C'est