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378                        LA REVUE LYONNAISE
homme, né à Waterford (Irlande), en 1826, de sir Thomas Wyse, ambassadeur
de Grèce, et de la princesse Lcetitia, fille de Lucien Bonaparte, le frère de
Napoléon. Mistral a raconté dans une préface incomparable l'état d'esprit de
notre William, alors qu'il descendait le Rhône. « Avignon, dit il, pour les étran-
gers qui savent, a eu de tous les temps un lumineux attrait... » Et c'est ainsi,
 « qu'en passant dans la rue Saint-Agricol,il remarqua à la vitrine d'un libraire
des livres écrits dans une langue qui lui était inconnue. Fort curieusement il
entra et les acheta: c'étaient des livres provençaux. » Roumanille, ce soir-là,
recevant M. Wryse dans sa modeste librairie qui a vu défiler, depuis bientôt
trente ans, toute l'Europe littéraire, initiait sans le savoir à l'œuvre de sa vie,
l'un de ses plus ardents auxiliaires futurs. De ce jour (10 décembre 1859), le
nouveau félibre prit soin de fixer lui-même le souvenir par un madrigal anglais
né d'une première impression de Mireille.
    Après deux ans d'études, William écrivait et parlait correctement le provençal.
Il revenait chaque printemps s'asseoir au banquet des felibres, et, un jour, fort
de leur amitié, il put dire, dans une de ces agapes fraternelles : « Mon ambi-
tion, amis, est de me voir sous le dais, en face des chefs et des maîtres, humant
le vin de Dieu entre mes égaux. » Dès lors, la cause le compta parmi ses
champions.
    En 1867, il donne la fête restée célèbre de Fontsegugne. L'année suivante,
pendant que s'achève en Avignon l'impression de son premier volume de vers,
nous le trouvons à Barcelone accompagnant Mistral, Roumieux et Paul Meyer,
dans la conquête de la Catalogne. Quand il en revient, ses Parpaioun blu (les
Papillons bleus) ont déployé leurs ailes d'azur et s'en vont par toute l'Europe,
lui rapportant bientôt une célébrité qu'il ne trouvera pas en France. La guerre
éclate, et comme compatissant à nos douleurs, sa veine semble tarie. Il demeure
deux ans sans chanter. Mais, un jour, le printemps le ramène en Provence. Et
voilà qu'on le retrouve à toutes les fêtes littéraires, encourageant de son enthou-
siasme, émerveillant de sa fécondité. Pèlerin du soleil, il en parcourt l'Empire ;
« égrenant sous ses pas son chapelet d'étoiles, » comme disait Mistral de Jas-
min, il entraîne les Provençaux plus loin que la Provence, à son cri d'« Auzor » !
en avant !
    Grâce à lui et à ses amis, le félibrige s'étendait, et c'est ainsi qu'on l'a vu, cette
année (14mai 1882), présidant les jeux floraux deProvence, dans la ville de For-
calquier, ayant à ses côtés le grand poète Alecsandri, envoyé par la Roumanie,
et le comte de Toulouse-Lautrec, un dernier descendant des Raymond-Béran-
ger. « Si vous avez le vrai sentiment de l'artiste et du patriote, disait-il, vous
travaillerez, felibres, avec courage à la lueur de vos idées intimes; vous suivrez
la trace des pas de votre Princesse à travers rocher et gouffre. » Le félibrige
s'est rallié la Catalogne, le Languedoc, la Roumanie. Si tous ses défenseurs pro-
vençaux avaient lutté pour lui comme cet Irlandais, la France tout entière se
lèverait déjà pour saluer la renaissance. En attendant et en dépit de la froideur
 du grand public, M. Bonaparte-Wyse achevait un autre volume de vers, Li