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SOUVENIRS - 1813-1814-1815 345 Quelque ton d'assurance que prît M. de Metternich en nous par- lant, on voyait poindre sans cesse une préoccupation, une inquié- tude, une pensée inexpliquée. Nous lui représentâmes que ce que nous désirions principalement était de voir Lyon affranchi des logements militaires, incompatibles avec l'exiguité des apparte- ments. « L'on avisera, messieurs, et vous aurez à pourvoir à des caser- nements. Au demeurant, les plus grands ménagements seront intimés à M. de Bubna. Nous ne voulons pas faire peser sur vous les mêmes calamités qui, pendant si longtemps, écrasèrent l'Alle- magne. » La conversation se porta sur plusieurs épisodes de la dernière campagne, sur le rare talent avec lequel Napoléon se .multipliait. « Cette dernière partie d'échec est admirable, continua M. de Metternich. C'est un homme de fer, incomparablement doué. Oh ! j'ai eu souvent d'assez violentes altercations avec lui. Avant la bataille de Prague surtout, les plus vives instances lui furent adressées de ma part, sur la nécessité d'en finir. Quelles belles propo- sitions ila refusées ! Nous lui laissions le Rhin pour limites, l'Italie ; il devait renoncer à la Hollande, au royaume de Westphalie. » Ma mémoire, ici, pourrait ne pas bien me servir ; je ne préciserai aucune des autres conditions énumérées par M. de Metternich; mais, ce que je me rappelle fort bien, c'est que, nous retraçant une de ses dernières conférences avec Napoléon, il fut question d'un chapeau tombé par terre, que M. de Metternich crut au-dessous de sa dignité de ramasser, ce qui parut affecter vivement l'empereur, finalement contraint à le relever lui-même. Puis il nous dit qu'arrivé aux dernières limites de leur discus- de Metternich au duc de Vicence, 29 janvier 1814. « L'empereur (d'Autriche) est entré dans la présente guerre sans haine, et il la poursuit sans haine. Le jour où il a donné sa tille au prince qui gouvernait alors l'Europe, il a cessé de •voir en lui un ennemi personnel. Le sort de la guerre a changé l'attitude de ce même prince. Si l'empereur Napoléon n'écoute, dans les circonstances du moment, que la voix de la raison, s'il cherche sa gloire dans le bonheur d'un grand peuple, en renonçant à sa marche politique anlérieure, l'Empereur arrêtera de nouveau avec plaisir sa pensée au moment où il lui a confié sa fille de prédilection ; si un aveuglement funeste devait rendre l'empereur Napoléon sourd au vœu unanime de son peuple et de l'Europe, il déplorera le sort de sa fille, sans arrêter sa marche. »