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                 SOUVENIRS — 1 8 1 3 - 1 8 1 4 - 1 8 1 5           341
cule figure à la porte de la caserne de notre gendarmerie, s'était
atliré une foule de quolibets ; que, trop faible et trop peu courageux
pour y répondre, il avait battu en retraite, et que, revenu chez
 moi, il faisait jour à sa douleur par cette extravagante pantomine.
   Comme, nonobstant toutes mes objections et le rappel au calme,
il persévéra à en vouloir à la laine de sa couchette, je pris le parti
d'avertir son prince qui le fit réprimander par un garnisaire. Alors
nouvelle scène ; mon homme, saisi de terreur et de respect, ne sait
plus où se cacher. Il doit partir le lendemain à l'aube; il ne soupe
pas ; on allume une veilleuse dans le vestibule ; à trois heures nous
l'entendons arpenter nos corridors, il ouvre discrètement la porte
d'entrée principale, la referme de même, nous laissant pour gage
dans un lieu de profonde solitude, son shako oublié la veille et que
dans sa frayeur il n'avait su retrouver. A côté de cet original, je
dois citer comme un modèle de joviale patience, un quartier-maître
d'origine saxonne que nous enfermâmes par mégarde à neuf heures
du matin en partant pour la campagne, le croyant sorti, et que
nous retrouvâmes le soir à jeun, n'ayant pas même oser fourrager
dans notre office. Sa seule préoccupation était de justifier son
absence à l'appel, et il me pria de l'expliquer.
   Que j'achève ce tableau des logements militaires par les doléances
d'une dame que je ne connaissais point et qui m'accosta tout effa-
rée dans la rue Puits-Gaillot, pour me supplier de monter chez
elle et de faire entendre raison à un petit lieutenant d'origine polo-
naise qui prétendait trop bien la traiter. Ma verte réprimande et le
changement de billet de logement dissipèrent l'effroi delà pauvre
dame, qui n'eut point à se poignarder.
   Somme toute, je n'eus pas trop à souffrir de l'impôt des logements
militaires ; il est vrai de dire que nous n'avions en ce moment à
Lyon que des Autrichiens ou des Allemands du sud, mais point de
Prussiens.
   Les chefs de l'armée n'en persistaient pas moins dans leur des-
sein de lever de fortes contributions. Bubna en revenait toujours
la. C'étaient de continuelles récriminations sur les spoliations faites
par les Français à Vienne et partout. On cherchait à l'apaiser ; on
donnait, on fournissait, mais à vrai dire le moins possible. Pour
empêcher ses soldats de se griser, on mettait force eau dans le vin;