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244                        LA REVUE LYONNAISE

ceux qui sont dignes de cette récompense. Plus haut, an ange,
tenant en ses mains une tige de lys fleurie, montre le ciel aux élus.
Assis sur la plus basse marche du trône de la Vierge,.un séraphin,
couvert d'une robe de brocard d'or à larges plis, m'anchée d'écarlate,
fait vibrer de ses doigts d'ange les cordes d'un luth et en tire des
sons mélodieux. C'est là une des meilleures figures du tableau,
malgré d'outrageux repeints, d'un beau sentiment austère et mélan-
colique, celle qui porte au plus haut degré l'empreinte énergique
et mystique du maître de Nuremberg.
   Tel est le tableau 1 . Quel en est l'auteur? Albert Durer? Un autre
artiste contemporain ? ou n'est-ce qu'une copie ou une inspiration
de Durer ? Ce sont là des questions intéressantes et délicates à
résoudre. Nous allons l'essayer avec l'aide de plus autorisés que
nous.
   Tout d'abord, il est aisé de constater de nombreux repeints, sur
les figures en particulier. La restauration paraît avoir été accomplie
 à une époque déjà ancienne. Le corps nu de l'enfant Jésus est très
usé; de plus, les jambes, tordues par un mouvement forcé, sont
d'un dessin défectueux. La couleur, très fluide en certains en-
droits, en simples glacis dans d'autres, laisse transparaître les
traits de l'esquisse à la pierre noire, notamment dans la figure de
l'ange jouant du luth; et sous les plis du manteau impérial, on'
aperçoit jusqu'aux hachures de l'esquisse. 2
   Je ne crois pas que cette particularité se retrouve dans aucun des
tableaux de Durer, qui sont, en général, solidement peints; et le
contraste entre certaines parties très finies de l'ensemble avec le
lâché de quelques autres éveille un vague soupçon que ce tableau
aurait pu n'être pas terminé par l'artiste qui l'avait entrepris. Dans
le coin gauche du tableau, au-dessus du numéro 188, qui est celui
du catalogue actuel du Musée de Lyon, on distingue trois chiffres,
peut-être dans la pâte, et en tous cas, anciennement sous vernis,

  1
    Le tableau que je viens de décrire a élé gravé au Irait par Dubouchet dans la
quatrième série des gravures des principaux tableaux du musée de Lyon, publiées
par la Société des Amis des Arts de Lyon, en 1858. Certaines têtes sont très bien re^
produites ainsi que l'ensemble, mais d'autres, celle delà Vierge, de l'Impératrice, entre
autres, laissent beaucoup à désirer.
  2
    Selon une judicieuse remarque du R. P. Danzas, certaines parties de ce tableau
paraissent n'avoir pas été terminées. -