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174 LA REVUE' LYONNAISE vera pas et même favorisera le développement de l'institution fondée par les particuliers. Supposons, en France, un legs important ayant une destination définie. Si cette libéralité était acceptée, elle serait bien vite attri- buée à un ministère quelconque. Aux Etats-Unis, où l'on a le bon- heur de n'avoir ni préjugés ridicules, ni craintes puériles, une loi créerait un comité spécial, indépendant, nommé suivant certaines conditions et simplement contrôlé par le Congrès. Cela s'est pro- duit pour un legs de 2 millions et demi fait par un Anglais, mort à Gênes, et n'ayant eu, durant sa vie, aucun rapport avec les Etats- Unis. Cet Anglais, James Smithson, avait simplement demandé que l'on fondât à Washington un établissement destiné à répandre la science parmi les hommes. L'Institut Smithsonien a une bibliothèque, un musée, un labora- toire, un observatoire. Il publie chaque année cinq ou six volumes de documents. Il subventionne des savants, surtout les explorateurs du pôle Nord, il organise des congrès scientifiques. De nouvelles libéralités, une sage administration ont augmenté le capital de l'Institut 1 . Voilà une oeuvre vraiment utile, qui ré- compense les donateurs et encourage les donations au profit de la grandeur nationale. En France nous redoutons comme une concurrence anarchique toute initiativejndividuelle en matière de services sociaux. Il ne suffit pas à l'Etat que ces services soient remplis, il veut les rem- plir lui-même, il n'a confiance qu'en son activité et voit dans les individus qui s'occupent de ce qu'il a toujours fait jusque-là des rivaux dangereux qui veulent le supplanter. Nous avons, en outre, une peur extraordinaire des biens de mainmorte, comme si les do- maines des sociétés anonymes étaient autre chose. Aussi rien n'est plus difficile en France que de fonder une œuvre durable. Dès que l'on ne cherche pas à gagner de l'argent; dès que l'esprit de lucre manque, une société devient suspecte. Le dévouement, l'esprit de sacrifice, la bienfaisance paraissent un danger. Une société ano- nyme qui veut fabriquer du fer, ou vendre des denrées coloniales 1 V. Annual Report of the Board ùf régents oftke Sniithsonian imtitvJtion for 1879, i vol. in-8".