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                 LES SUBVENTIONS A R T I S T I Q U E S                  175
 a la personnalité juridique, vendet achète comme elle l'entend, a c -
 croît son patrimoine à volonté. Une association scientifique ou cha-
 ritable, qui ne rapportera que des dépenses pour ses membres et des
 services pour le public, a besoin de l'autorisation de l'État pour se
 fonder, de la tolérance de l'Etat pour vivre, de la permission de
l'État pour augmenter sa dotation par acquisitions, dons ou legs.
 La fondation est soumise à tous les caprices des gouvernants, à
 tous les hasards de la politique. Vraiment il est étonnant qu'il y
 ait des fondations en France !
    Sous prétexte que les fondations servent à remplir un service
 social, l'État s'attribue parfois le droit de les confisquer, en se
donnant le monopole du service. Ces pratiques sont malheureuse-
ment trop vieilles en France. Hélas ! ce ne sont pas les traditions
 du despotisme qui nous manquent! Il n'est pas d'acte tyrannique
qui ne puisse invoquer un précédent, comme aussi, à la vérité, il
n'est pas de généreuse protestation contre l'arbitraire et l'injustice
qui ne trouve un écho dans le passé.
    L'ancien régime ne respectait pas les fondations, léguant ainsi
une tradition fâcheuse à la Constituante qui devait l'imiter en le
dépassant d . Turgot approuvait ces pratiques déplorables et recon-
naissait à l'État le droit d'entraver les fondations, d'abolir celles
qui existaient et de méconnaître la volonté du testateur ou dona-
teur 2 . « Sur ce point, Turgot dit M. Batbie, avait méconnu tout à
la fois la liberté religieuse et le droit de propriété 3 . »
   Revenons enfin aux vrais principes, n'ayons plus peur de l'initia-
tive individuelle qui fait la vigueur du pays. Ne croyons pas que
l'État se fortifie de tout ce qui est enlevé à l'activité légitime des
citoyens : ce n'est pas en diminuant la partie que l'on augmente le
tout. Ne redoutons pas les fondations, qui seules permettront le
perfectionnement des grands services sociaux. Que le droit de se
sacrifier, d'être dévoué à autrui soit aussi étendu que le droit de
s'enrichir, qu'il y ait des sociétés anonymes de bienfaisance, comme
il y a des sociétés anonymes d'enrichissement privée et parfois


 1
   Tocqueville, Ancien régime*, liv. III, ch. VI, p. 280.
 8
   Turgot, V° fondation dans l'Encyclopédie. -= Œuvres, t. I. p. 300.
 s Batbie. Turgot, 2e partie) ch. VII, p. 243.